Dans son édition du 22 juin 2025, Nice-Matin a resservi à ses lecteurs la soupe marketing de l’aéroport de Nice, sous la bannière ‘’Développement durable’’ : « Les aéroports tentent de réduire leur empreinte environnementale ». Au menu, la fable de la prétendue… “neutralité carbone” de l’aéroport, sur la base de statistiques faussées. Analyse.

Jean de La Fontaine n’aurait pas refusé une telle fable, mais les myriades d’avions ne sillonnaient pas encore le ciel azuréen au XVIIème siècle. Dans son édition niçoise du 22 juin 2025, Nice-Matin a resservi à ses lecteurs la petite soupe marketing de l’aéroport de Nice, sous la bannière ‘’Développement durable’’ : « Les aéroports tentent de réduire leur empreinte environnementale ».

Qu’y lit-on, une énième fois ? Que l’aéroport de Nice est ‘’exemplaire’’ en termes de RSE (responsabilité socio-environnementale), qu’il réduit son impact environnemental, avec – tenez-vous bien, une baisse de -93% d’émissions de gaz à effet de serre (GES) en dix ans. Mais quelle est donc la poudre de perlimpinpin qui permet un tel miracle ?

Pour comprendre la manœuvre, il suffit de connaître la ‘’méthodo’’ basique retenue par ces professionnels du marketing : il leur suffit d’évacuer un détail. Celui des émissions des avions, même celles de leurs décollages et atterrissages à Nice ! Aussi, l’incroyable baisse de -93% ne se rapporte qu’aux émissions des hangars, terminaux et véhicules de tarmac, mais pas celles des avions. L’aéroport n’est donc qu’un parking, comme celui des supermarchés de la Plaine du Var. Mais ça n’est jamais dit explicitement… Un ordre de grandeur : il est question de moins de 1 000 tonnes de CO2 par an. Nous venons de parler de la souris. A présent, levons les yeux et pesons Dumbo, l’éléphant aérien. La Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC), organe étatique, nous en donne le poids (en 2023, en hausse depuis) : les émissions annuelles de GES de l’aéroport de Nice étaient de 140 000 tonnes pour la partie LTO (décollages et atterrissages), et de 870 000 tonnes en incluant le périmètre des demi-croisières (au départ ou à l’arrivée sur Nice).

L’exemplarité de l’aéroport de Nice repose donc factuellement sur 0,5% des émissions annuelles des décollages et atterrissages, et 0,1% des émissions LTO et demi-croisières, voire 0,05% des émissions totales exprimées en CO2e (source : étude d’impact de l’extension T2.3 : 1,59 million de tonnes CO2e par an, incluant les effets non-CO2 qui impactent également le climat). A cette condition, il est aisé de comprendre que la ‘’neutralité carbone’’ de l’aéroport de Nice est un magnifique leurre commercial, d’ailleurs fondé par le lobby européen de l’aviation commerciale (ACI Europe) : l’Airport Carbon Accreditation. Un label qui, en théorie, contrevient très largement à l’article L. 121 du Code de la consommation, définissant et condamnant les pratiques commerciales déloyales et trompeuses.

Que la société commerciale des Aéroports de la Côte d’Azur fasse sa publicité est une chose. Mais que comprendre du quotidien Nice-Matin (aux 50 000 exemplaires/jour) qui consacre un article d’une page (d’ailleurs non déclarée comme publireportage) à relayer une communication commerciale sur un ‘’incroyable effort’’ portant sur 0,05 à 0,5% des émissions globales de l’aéroport de Nice, sans jamais contextualiser le sujet, comme le préconise la charte d’éthique professionnelle des journalistes (SNJ) ? Voilà qui ferait un intéressant sujet d’éthique, que les écoles de journalisme devraient proposer à leurs étudiant.es.

Franck Goldnadel, directeur de ladite société, répète ainsi que son aéroport exemplaire essaie de réduire l’impact environnemental de l’aéroport en « réduisant les émissions de gaz à effet de serre ». Il est juste en contradiction frontale avec ce que d’aucuns appellent la réalité :

– Les émissions des compagnies aériennes pratiquant l’aéroport de Nice, 1er aéroport de province, ne font que croître globalement (source DGAC).

– L’extension du Terminal 2 de l’aéroport va générer une hausse de plus de 350 000 tonnes de CO2e par an (soit plus d’un tiers des émissions annuelles de l’ensemble de la ville de Nice), +150 tonnes de polluants atmosphériques (dans une ville déjà bien polluée) et une hausse d’exposition sonore de la population, avec un trafic annuel accru de +28 000 vols d’ici 2034 (tous ces éléments sont issus de l’étude d’impact du dossier officiel).

Sur ce dernier point, il faut quand même noter que la même poudre magique parvient, dans le dossier officiel de l’aéroport, à diminuer de -11% les émissions annoncées de CO2 d’ici 2034, malgré une hausse du trafic de +28 000 vols par an et une consommation accrue de +54 000 tonnes de kérosène[1] (multipliez par 7 pour obtenir le tonnage de CO2e). Absolument impossible et mensonger, mais … les informations en costume-cravate passent crème, tant dans de nombreux médias, qu’à la mairie de Nice ou à la Préfecture des Alpes-Maritimes.

Pour terminer, le Collectif Citoyen 06, toujours très engagé contre l’extension de l’aéroport de Nice (et non pas l’aéroport lui-même, faut-il le rappeler), a réagi vivement sur les réseaux sociaux à cette ultime version d’une longue liste d’articles de la même veine. Et contrairement au qualificatif un peu facile de ‘’donneurs de leçons’’, avancé par certains journalistes ou chefs d’agence, nous ne faisons que rappeler, d’ailleurs depuis des années, qu’un dossier comme celui de l’aéroport de Nice, pièce maîtresse du dispositif économique du territoire, mais aussi gros pourvoyeur d’impacts environnementaux, mérite un traitement beaucoup plus équilibré et étoffé que celui habituellement accordé.

Finalement et une nouvelle fois, il convenait juste de rappeler à la rédaction de ce quotidien qu’un éléphant, même doté du meilleur service de communication, reste beaucoup plus volumineux et lourd qu’une souris. En 2025, et en pleine crise climatique, il serait fâcheux que la posture et le greenwashing prévalent sur le dialogue et la factualité. Bref, nous faisons partie du nombre croissant de citoyen.nes qui ne lâcheront rien. Pourquoi ? Parce que la charte précitée rappelle que « le journaliste s’efforce de donner une information exacte, complète, vérifiée et contextualisée. ». Et parce que l’intérêt général prévaudra toujours sur l’intérêt privé.

Le reste n’est que détail.

Par le Collectif Citoyen 06

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