Ainsi, il est violent et antidémocratique de dénoncer les basses manœuvres des macronistes et de véhiculer des images symboliques. Par contre imposer deux ans de travail en plus à quasiment toute la population, ce ne serait pas violent, surtout lorsque cette attaque sociale est faite avec des mots polis et des phrases civilisées par des bourgeois qui détruisent des vies, mais sans élever la voix.

Les macronistes et leurs teckels médiatiques s’offusquent théâtralement des violences et “appels au chaos” de la France Insoumise sur les bancs de l’Assemblée nationale, parce qu’ils et elles parlent fort, avec les tripes, d’une réalité qu’ils connaissent bien pour la plupart, celle du travail, et non celle des tableurs Excel et des intérêts boursiers.

En appelant à la sacro-sainte démocratie, dont on se demande ce que ce mot signifie réellement pour eux, ils empêchent le débat en limitant dans le temps l’examen de la réforme, en délivrant à l’envi fausses informations et déformations statistiques, tout en restant de marbre face à la mobilisation populaire. Dans un tel contexte, la stratégie des insoumis de “jte mets le nez dans ton caca” était non seulement louable, mais s’est aussi avérée payante.

Civilisés cravatés contre violents zadistes

Ainsi, il est violent et antidémocratique de porter le verbe haut, de dénoncer les basses manœuvres des macronistes et de véhiculer des images symboliques. Par contre imposer deux ans de travail en plus à quasiment toute la population, ce ne serait pas violent, surtout lorsque cette attaque sociale est faite avec des mots polis et des phrases civilisées par des bourgeois qui détruisent des vies, mais sans élever la voix, sans vulgarité aucune.

Un ballon avec la tête de la girouette Dussopt, le ministre soi-disant ancien socialiste, chargé de la réforme des retraites, c’est violent, une atteinte à la démocratie. Dire que le même Dussopt est responsable du surcroît d’accidents du travail car il a supprimé les CHSCT, c’est violent, dire qu’il a du sang sur les mains est antidémomachin aussi, un appel à la haine, à l’insurrection, à “bordéliser” la société. La preuve, le ministre vit sous escorte policière !

Qu’ils sont polis et calmes ces cravatés de droite, contrairement aux insoumis qui transforment l’Assemblée en un “camp de gitans”, une “zad”, des sales gosses sans éducation et sans savoir-vivre. Pourtant, ce sont ces sauvages vociférants qui ont apporté des morceaux de réel dans les “débats”, qui ont parlé de ces travailleurs éreintés par la pénibilité de leur emploi, de leur espérance de vie inférieure aux cadres, autant d’exemples concrets moqués et ignorés. Vous les avez vu rire lors de l’intervention de Rachel Kéké ? Vous les avez vu invectiver avec machisme certaines des députées de la NUPES ? Vous les avez vu faire des rappels au règlement pour des mots moins feutrés que les leurs ?

Cette réforme n’a pas été votée, elle aura été débattue à peine 4 journées complètes réparties sur 9 jours du fait de l’utilisation par le gouvernement de l’article 47-1 de la Constitution pour limiter le temps des discussions. “Obstruction” s’écrièrent les macronistes et les opposants de façade, tel les fascistes de RN qui n’ont déposé que quelques dizaines d’amendements (moins que Renaissance !). Les députés LR opposés à la réforme n’excédaient finalement pas une quinzaine et les députés écologistes, socialistes et communistes ont retiré l’ensemble de leurs amendements pour pouvoir voter le fameux article 7 sur le report de l’âge légal, qui du coup serait passé, lui conférant une légitimité.

Dès lors, il ne restait plus que les insoumis pour se battre, monopolisant la parole c’est vrai, et alors ? Quantité de questions restent pourtant sans réponses, ce n’est pas faute de les avoir posées, mais d’autres loups ont été débusqués.

Sous la roche, les anguilles

La retraite minimum à 1200 euros ? C’est la LFI qui a acculé le ministre Dussopt sur ses mensonges à ce sujet, ce dernier a même dû reconnaître que cela ne concernera que 5% de bénéficiaires. Les propositions sur les carrières longues ? Une personne ayant commencé à travailler à 17 ans cotise 43 annuités alors qu’une autre ayant commencé à travailler à 16 ans en cotise 44. Les femmes privilégiées ? Une mauvaise blague immédiatement démontée.

Et qu’en est-il des accidents du travail chez les vieux ? Les députés LFI ont montré que, selon l’analyse de la Dares (Direction de l’Animation de la Recherche, des Études et des Statistiques), et contrairement aux déclarations de Dussopt à l’Assemblée nationale, «la fréquence des accidents mortels croît aussi avec l’âge, les salariés âgés de 60 ans ou plus enregistrant le risque le plus élevé», un risque trois fois supérieur à la moyenne.

Une réforme qui tue donc. Mais dire que Dussopt est un assassin, puisque de ses décisions découlent des morts prématurées (supression des CHSCT et réforme actuelle), c’est bien sûr antidémocratique et haineux. Le député insoumis ayant posé avec le fameux ballon a été puni pour sa violence, exclusion temporaire (sanction de l’Assemblée nationale pour une action faite hors de l’hémicycle, ce qui est une première). L’autre insoumis qui a lâché le mot “assassin” s’est vu infligé des excuses meurtries de tous les présidents de groupe, y compris du bien mauvais camarade communiste.

La stratégie du choc insoumis

La stratégie des insoumis n’était pas de tenter de convaincre leurs collègues, qui de toute façon votent comme on leur dit de voter, poliment et le doigt sur la couture du pantalon, aucun argument ne pouvait les atteindre, juste ils s’en branlent. La LFI souhaitait s’adresser à la population qui a suivi les débats, aux journalistes qui les retranscrivent et qui en discutent, à ceux qui vérifient les chiffres comme Libération en leur donnant finalement raison. Une stratégie qui laissait s’exprimer une colère face aux mensonges et aux entourloupes, qui relayait les prises de position publiques des opposants (économistes, sociologues, syndicalistes…) et, surtout, la parole des manifestants et ceux qui les soutiennent, c’est à dire l’écrasante majorité des français et la quasi-totalité des actifs.

Les insoumis ont habilement mis en scène la lutte des classes dans l’hémicycle. Parce que les députés LFI sont, pour certains, issus de la classe moyenne et du prolétariat, ils n’ont cessé d’apporter des morceaux de réalité dans un cadre, restreint, certes démocratique, mais autoritaire et confiscatoire de l’expression sociale.

Conflits d’intérêts des millionnaires députés ?

C’est dans cet esprit qu’ils ont défendu, une nouvelle fois, un amendement sur la taxation des supers profits, en demandant, très poliment pour le coup, aux députés qui penseraient se trouver en conflit d’intérêt, du fait que certains possèdent pléthore d’actions du CAC40, de s’abstenir de voter. Nouveau tunnel de rappels au règlement car il ne faut pas jeter l’opprobre sur l’ensemble de la représentation nationale voyez-vous, il fallait entendre ces élus rouges de colère pour comprendre pourquoi ils sont là.

Pourtant, n’était-ce pas intéressant de savoir qui pouvait voter plutôt pour ses intérêts particuliers que pour l’intérêt général ? Qui possèdent des dizaines de milliers d’euros LVMH, TOTAL, AREVA…, éclairant ainsi la population sur cette classe dirigeante ? Tous les patrimoines sont déclarés et sont publics, s’est énervé Éric Whoert, du coup les téléspectateurs de Public Sénat se sont rués sur le site officiel pour savoir qui détient quoi, le rendant inaccessible durant un moment du fait de l’affluence. Notons quand même que certains phobiques administratifs omettent couramment des actions et des propriétés par étourderie sûrement, que d’autres ont fait des dons à leurs enfants…

Même si le journal Le Monde s’est trompé sur le cas de la présidente de l’Assemblée nationale (c’est 40 mille euros et non 40 mille actions, nuance !), nos concitoyens commencent à se questionner et à fouiner dans ces déclarations de ressources, tout comme certains journalistes. Et se demandent si, pour défendre les intérêts des pauvres, il ne vaut pas mieux une Rachel Kéké qu’un Éric Woerth ou tous ceux qui votent contre le repas à 1 euro pour les étudiants (coucou mon député chéri Ciotti).

La stratégie de LFI était de rendre visible cette lutte des classes, de démonter les éléments de langage du gouvernement et de débusquer les pièges argumentatifs, voire de dénoncer les mensonges éhontés de gens sans vergogne, voire traîtres à leur propres engagements passés. De ce point de vue, c’est une sacrée réussite.

Rendez-vous le 7 mars pour la suite.

Par Bob

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