La rédaction de Mouais a reçu, à l’approche d’une saison touristique qui s’annonce insupportable en termes de fréquentation, sur fond de sécheresse, et tandis que la répression à la frontière se durcit, le manifeste d’un collectif, les Brigades Anti-Touristes Mobiles Anarchistes de Nice (BATMAN). « Le tourisme de masse est incompatible avec le monde futur que nous devons construire ».

Nous, Niçois·e·s de tous quartiers, de tous âges et de diverses origines, faisons cet avertissement solennel : on a la boufaïsse. Ce qui, nous traduisons, signifie que nous en avons marre. On en a plein le casque, par-dessus la tête, ras le cul, on en a quine, notre claque, ras-le-bol, et toute autre expression synonyme.

Nous sommes des prolétaires, dans une ville qui est la 4ème la plus pauvre de France, selon le dernier rapport de l’observatoire des inégalités. Et les sudistes que nous sommes sont exposé·e·s chaque année plus durement au chaos climatique créé par le capitalisme, avec ses canicules, sécheresses, épisodes de tempêtes intenses comme Alex qui a endeuillé la Roya, et les conséquences parfois fatales que cela a sur nos vies.

Et pendant que nous ne pouvons arroser nos courges en raison de restrictions d’eau, chaque petit matin, les rues et boulevards de notre ville sont arrosées de gigantesques quantités d’eau potable, pour faire plaisir à qui ? Aux touristes.

Les touristes. Véritables maîtres de cette ville, dans laquelle tout est pensé par eux, pour eux – et pas pour nous. Estrosi, ce guignol qui se prétend « enfant du pays », a tout vendu aux tour-opérator et autres tristes dealers de camelote consumériste pour une bouchée de pain et s’obstine jour après jour à ruiner, piétiner, bulldozeriser, à leur bénéfice, tout ce qui fait la joie de notre quotidien : nos plages, nos ruelles, nos lieux de rencontre, de culture – jusqu’à nos appartements, donnés à la découpe aux grands promoteurs immobiliers ; le tout pendant que notre belle Méditerranée se transforme en charnier, plus de 1.300 personnes migrantes y étant mortes ou disparues au cours de la seule année 2022.

Symbole de tout ce que l’on nous fait subir depuis des décennies dans le but semble-t-il évident de nous ensevelir sous les détritus d’un vieux monde marchand qui se refuse à crever, la triste laideur du piteux « I Love Nice » juché sur notre cher jetée Rauba Capeu, où a lieu notre tout aussi chère Santa Capelina chaque 1er mai. Lors de la dernière d’ailleurs, une camarade a été arrêtée et placée en garde à vue car accusée d’avoir badigeonné cette horreur de faux sang, signe que le monstre répressif local ne craint aucun ridicule.

Cet état de fait est insupportable.

EN CONSÉQUENCE,

Le B.A.T.M.A.N se joint aux revendications de nos copaines et camarades du Parti populaire du Pantaï (PAPOPA) pour demander :

1.Le démantèlement de la mairie : repeinte en rouge à pois noirs comme une coccinelle, elle sera transformée, après avoir hébergé si longtemps des requins, des tanches et des anguilles, en aquarium pour poissons multicolores végétariens et pacifistes.

2. La transformation de la municipalité de Nice en Fédérations des Communes Autonomes Nissartes (FNAC, aucun lien), voisine et amie de la Fédération des Communes Royasques Autonomes (FCRA). Le plat local emblématique en sera le kébab-socca-falafel-mafé-tandoori (végan, et sauce samouraï). Chaque quartier de la fédération, grâce à des comités élus par tirage au sort et sans smartphone, se chargera alors de planifier la végétalisation comestible de son béton et la peinturluration, aux couleurs de son choix, de ses façades.

3. Chaque comité de quartier se devra d’être paritaire en tous points, et devra donc comporter des représentants de chaque sexe & genre (Lesbien·ne, Gay, Bi·e, Trans-, Queer, en Questionnement, Intersexe, Pansexuel·le, 2spirit -Bispirituel-, Androgyne, Asexuel·le, Kinky, etc.), espèce (chats noirs, chauve-souris, loutres, marcassins, chouettes, mangoustes…), race (terriens, vénusiens, proxima-du-centauriens… seuls les Jupitériens seront invités à retourner au plus vite se faire griller la lune sur leur astre).

4. Dans le cadre de l’autonomie alimentaire de la FNAC, la transformation de l’aéroport en champs de courgettes, pois chiches et potirons. Avec suppléments salades tomates oignons. Les touristes désireux de venir nous rendre visite n’auront qu’à venir en jambe, ça leur fera les pieds (ou l’inverse). 4.1 : pour répondre aux râleurs qui voudront encore prendre l’avion, l’option pas du tout démago de déplacer l’aéroport à Monaco est envisagée.

5. Nous demandons que la Santa Capelina du 1er mai ait lieu tous les dimanches, et que les lundis, mardis, mercredis, jeudis, vendredis et samedis deviennent des dimanches ; et le démantèlement du Carnaval officiel au profit des carnavaux (mais oui) indépendants de tous quartiers.

6. La réquisition du Negresco pour l’accueil des demandeurs d’asile 6.1 : Les autres palaces aussi, ainsi que tous les bâtiments voués à le devenir, à commencer par celui de projet d’hôtel de luxe de la Providence dans la vieille ville.

7. Le déplacement de l’immonde #IloveNice dans le jardin de M. Ciotti, et la relocalisation de toutes les sculptures moches installées en ville par M. Estrosi dans son salon ou son garage à moto.

9. En termes de sécurité, la repeinte des flics en vert à pois roses et leur affectation à l’accueil des sans-abris, ainsi que le détournement des caméras de surveillance vers le ciel pour filmer les étoiles filantes.

Lors du dernier cortège du 1er mai, ainsi que l’a rapporté le mensuel Mouais, un méga-Yacht stationné au port, coûtant 125 millions, soit 7000 années de SMIC, et extrêmement polluant, « s’est pris des jets de légumes pourris et de peinture par des pirates ». Que cette action fasse office d’avertissement : mèfi ! Le peuple niçois gronde et ne se laissera pas faire.

Tenons-nous-le pour dit : le tourisme de masse est incompatible avec le monde futur que nous devons construire.

Il va donc falloir apprendre à faire sans. Et en attendant, dans les haut lieux du tourisme de masse, la révolte s’organise.

ON CRAINT DEGUN, VIVA L’ANARCHIE ET VIVA LOU PANTAI

NB : Le logo du BATMAN reprend le symbole niçois de la « ratapignata », chauve-souris représentant la résistance aux puissants dans la culture populaire Nissart.

Cet article est tiré du Mouais n°40, en vente actuellement, vous pouvez le commander à mouais.org ou vous abonner ici on vous en sera éternellement reconnaissant : https://www.helloasso.com/associations/association-pour-la-reconnaissance-des-medias-alternatifs-arma/boutiques/abonnement-a-mouais