Alors voilà, nous savons qui sont les personnalités présentées au vote d’investiture de la « Primaire populaire » qui est supposée rassembler autour d’un.e candidat.e de « gauche ».

Dans l’ordre alphabétique : Anna Agueb-Porterie, Anne Hidalgo, Yannick Jadot, Pierre Larrouturou, Charlotte Marchandise, Jean-Luc Mélenchon et bien sûr Christiane Taubira. Sur cet sept, il y en a trois dont je n’ai jamais entendu parler, mais qui sont sûrement des gens de haute qualité (et parfaits pour rassembler hein). Par contre, certains manquent au tableau comme les candidats PCF, NPA et LO. Pourquoi ? Parce que pour les organisateurs, Roussel c’est pareil que Mélenchon, quant à « l’extrême-gauche », elle ne souhaiterait pas gouverner, donc dehors. La gauche oui, mais pas n’importe laquelle.
Bon, il faut ajouter que, parmi les personnes connues, une seule souhaite participer à cette élection bizarrement conçue, c’est Taubira (Hidalgo voulait, puis plus du tout, mais oui, finalement non). Mais elle ajoute que quoi qu’il arrive, elle ira jusqu’au bout quand même et ne soutiendra pas celui ou celle qui arrivera en tête. Sa candidature « d’union » ne sert apparemment qu’à grappiller quelques points à Hidalgo et Jadot, elle n’entraîne avec elle aucun nouvel électeur, mais passons, elle a bien le droit d’occuper les rédactions françaises qui semblent oublier les engagements droitiers de la dame, ses soutiens à Hollande et Valls, ses déclarations et ses votes libéraux.
« Notre candidat ou candidate mettra en œuvre son programme, intégrant ces propositions issues de notre Socle Commun [qui] contient 10 propositions de rupture pour changer la vie des gens ». Ah tiens, la personne désignée, pour qui l’organisation fera campagne, s’engagerait dans ce Socle commun. Jetons-y donc un œil :
1- Une grande loi de transition alimentaire vers une agriculture paysanne et écologique.
2- Une vraie loi climat pour reconvertir notre économie et accompagner nos entreprises dans la transition.
3- Permettre à chacun et chacune de couvrir ses besoins essentiels.
4- Un emploi et un salaire juste pour toutes et tous.
5- Investir massivement dans le social, prioritairement dans la santé et l’éducation.
6- Redonner le pouvoir aux travailleurs et travailleuses.
7- Un big bang pour une fiscalité plus juste et écologique.
8- Restaurer la confiance dans notre démocratie par des mesures d’urgence.
9- Vers une sixième République écologique et la fin de la monarchie présidentielle.
10- La reconquête et l’élargissement de nos libertés.
Lorsqu’on épluche les programmes (pour ceux qui en ont un) et les propositions des personnalités présentées, on se rend compte que peu d’entre elles se réfèrent à ce socle commun, on pourrait même dire qu’une Taubira, un Jadot ou une Hidalgo sont souvent assez éloignés de ces propositions. Si l’on ne se réfère qu’à l’instauration d’une sixième république, il n’y a plus que Mélenchon. Je cite celle-ci car le reste est nébuleux, « reconquête et élargissement de nos libertés », qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ? Même Le Pen et Philippot se retrouvent dans cet item, comme « restaurer la confiance blabla » ou « vraie loi climat », un peu vaporeuses ces doléances.
En tout cas, je n’ai rien lu ni entendu chez le centre-gauche qui nous propose sérieusement de sortir de la « monarchie présidentielle ». Aucun de ces candidat.e.s inscrits malgré eux (ou presque) ne s’est engagé.e sur ce Socle dans le détail en expliquant ce qu’il signifie pour elles.eux et comment s’appliqueraient leurs propositions. Si vraiment les organisateurs souhaitaient faire avancer leurs revendications, ils soutiendraient le seul programme qui a incorporé de longue date ces demandes et qui déroule les moyens d’y parvenir : l’Avenir En Commun de l’Union Populaire. Il faut croire que le Socle n’est pas une priorité.
Enfin, ce qui pose également question, c’est le mode de scrutin. En effet, les votants ne vont pas seulement plébisciter une personne, mais vont les qualifier chacune de « très bien / bien / assez bien / passable / insuffisant » afin non pas de mettre en avant celui ou celle qui aura obtenu le plus grand nombre de voix, mais celui ou celle qui représentera le plus grand dénominateur commun pour un « peuple de gauche » fantasmé. Selon l’association Mieux-voter (étude commandée à OpinonWay, décembre 2021), si on appliquait cette formule, Mélenchon (qui a réuni 7 millions d’électeurs en 2017 et qui est le mieux placé dans les sondages) serait largement « rejeté » et c’est Montebourg qui l’emporterait. C’est lui qui accumulerait le plus de mentions positives et le moins de mentions négatives. Il ne faut surtout pas être clivant avec un scrutin pareil, sinon gare aux rejets, il faut être donc consensuel, bien présenter et ne pas hurler « la République, c’est moi ». Ne pas effrayer le bourgeois.
C’est ce que représente cette Primaire populaire, dont les fondateurs « interconvictionnels » (me demandez pas, je sais pas) étaient macronistes en 2017 (Samuel Grzybowski a fait ses études de p’tit bourgeois en écoles privées cathos, on sait de quelle gauche il se réclame), donc taubiracompatibles. Un appel au ventre mou, un machin dont quasiment aucun des candidat.e.s ne veut et dont personne n’accepte le Socle commun, à part celui qui est visiblement à abattre. Va comprendre Charles-Henri.
Par Bob