« Au pouvoir comme dans l’opposition, certains ne luttent plus contre l’extrême droite : ils composent avec elle » (Ellen Salvi, Mediapart). Pire encore, je dirais même qu’ils SONT l’extrême-droite, sans ambigüité aucune. Et de la police à l’armée en passant par le gouvernement, le constat s’impose : qu’on les appelle « fachos » ou ce qu’on voudra, quoiqu’il en soit, ils sont déjà au pouvoir.

Pour commencer, quelques rappels utiles : « Le fascisme est un système politique autoritaire qui associe populisme, nationalisme et totalitarisme au nom d’un idéal collectif suprême » ; « Toute réduction des libertés des citoyens, faisant l’objet d’une surveillance et d’une répression par des forces policières fonctionnant comme appareil d’État, est symptomatique d’un État policier » (Wikipedia).

Le dimanche 5 décembre vers midi, j’échange, angoissé, des textos avec ma copine, partie en manifestation à Villepinte : « On se fait démonter par les flics », « Camarade arrêté et j’ai échappé de peu à la matraque, on est tombés sur deux flics enragés » ; puis, un peu plus tard : « je me suis fait arrêter puis relâcher par la BRAV M ». Car ce jour-là, les fafs tarés à la Zouaves-Paris ont pu bien tranquillement se promener deci delà, agressant qui bon leur semble, bien couverts par leurs camarades policiers, donnant tristement raison à ce militant des LVF (les Vilains Fachos, c’est vraiment leur nom) s’adressant, dans un fil d’échange, au journaliste spécialiste de l’extrême-droite Maxime Macé : « Permets-nous de t’apprendre un truc : si un flic a le choix entre couler LVF et te couler toi, ils te couleront toi. Et de très très loin. » Et de conclure : « eux c’est nous, nous c’est eux ».

« Eux, c’est nous, nous c’est eux ». Ce message lapidaire et limpide est hélas une parfaite définition des liens qui existent entre une grande partie de l’appareil d’Etat et l’extrême-droite : ils ne sont « proches » ou vaguement « complices » : ils sont des copies carbones, avec les mêmes hantises, les mêmes réseaux, la même violence. La seule différence étant que certains militants de cet extrême-droite factieuse et anti-démocratique sont payés par nos impôts pour venir protéger le meeting d’un candidat fasciste, pour filer des coups de matraque à « l’ennemi intérieur » basané et/ou gauchiste, ou encore pour venir donner des coups de canif dans des tentes de migrants.

Le tout, sous les auspices d’un chef de l’Etat qu’il est de plus en plus difficile de ne pas considérer comme dément (son skech a la télévision l’a encore prouvé, avec notamment cette phrase hallucinante : « [Benalla] n’a pas été protégé au-delà de ce qu’il devait être »), entouré d’une clique de ministres ayant pour caractérise commune autoritarisme, incompétence et communion aberrante dans le culte de la personnalité du leader suprême, ainsi que l’ont montré les images malaisantes au possible du piteux meeting de la majorité présidentielles à la Mutualité, qui avait toutes les apparences d’une réunion de secte, avec un Bayrou lunaire appelant à soutenir « la personne » qu’est Macron, décris dans des termes énamourés et extatiques, au-delà de son programme et de son bilan.

Parmi ces fanatisés du gouvernement, évidemment, difficile de ne pas accorder une place de choix au ministre de l’intérieur, Gérard Darmanin, qui s’est vanté, comme l’a récemment rappelé Yannis Youlountas, d’être à l’origine ce qu’on est bien obligé de définir comme des « camps de concentration », en Grèce, des camps militarisés de détention des migrants, dont il est venu en personne inaugurer le premier à Samos en octobre dernier (deux autres sont prévus à Lesbos et Chios), tout en appelant ses homologues espagnols et italiens à faire de même chez eux – il y a donc fort à parier que ce « modèle » dystopique, pur délire totalitaire, débarque bientôt en France.

Il n’est donc pas étonnant que tout ce petit monde n’ait rien trouvé à redire à la charmante agitation délicieusement fascisante qui a entouré le meeting du candidat de l’ultradroite (la droite très beaucoup à droite), ce triste 5 décembre pluvieux et glacial. Comme l’a rapporté Ellen Salvi, Gérard Larcher, troisième personnage de l’État dans l’ordre protocolaire, a haussé les épaules en disant : « la provocation peut inciter à cela » avant de reprendre une autre part de gigot, Valérie Pécresse a conseillé de « vivre avec sang-froid » ce type de « provocations » (celle des… gauchistes, si j’ai bien compris ?), tandis que Castaner n’a rien trouvé de mieux à dire que de s’enorgueillir que la majorité présidentielle… n’ait pas participé à la manifestation contre l’extrême droite, tu m’étonnes, quelle fierté, en même temps, on aurait pas trop compris ce qu’ils foutaient là.

Tenez, la veille du meeting de Villepinte, j’étais à la communauté Emmaüs-Roya, à Breil, pour remonter avec les copaines un mur emporté par la tempête. Et quand je suis arrivé, un peu après midi, on m’a annoncé que Bassekou avait été arrêté.

« Bassekou, a écrit plus tard Cédric sur son Facebook, est référent des poules pondeuses, tous les matins il ouvre la porte du poulailler pour qu’elles puissent gambader, il s’occupe d’elles, les nourrit, les protège, paille chaque nid, tourne et retourne avec délicatesse chaque œuf qu’il ramasse. Bassekou a 600 œufs à collecter. Bassekou travaille en silence, il écoute ses pensées tournant en boucle sur son passé ; la Lybie, le feu, ses jambes, ses orteils calcinés, sa mère, son frère, Paris, la rue, le froid, la honte, le mépris, les regards. »

Et Bassekou, donc, ce matin-là, a été contrôlé par une quinzaine de flics alors qu’il se rendait au travail en vélo. Angoissé, il a fait une crise de panique dans la voiture qui l’emmenait, et a fini à l’hôpital, où, une fois la crise terminée, il a été menotté aux yeux de tous puis conduit la PAF (Police des Airs et Frontières). Il a été relâché au soir ; et Cédric de conclure : « Morale de l’histoire, Bassekou est toujours sans papier, toujours dans la Roya, toujours référent des poules pondeuses mais mettra 6 mois à digérer ce nouveau traumatisme. En quelques heures la préfecture a anéanti 6 mois de travail de restauration psychologique ; pourquoi ? Pour affirmer sa domination ».

Domination violente, injuste, imposée par des agents de l’Etat, avec l’aval du gouvernement et la majorité présidentielle, sur une population précaire, dont les droits ont été en quelques années de réformes ultralibérales réduites à que dalle ; « fascisme », « extrême-droite », « droite extrême », « Etat policier », appelez ça comme vous voulez (sachant que nous avons encore quand même accès aux liberté fondamentales, même entravées, je ne tiens pas non plus à excessivement noircir le tableau), mais il faut bien se rendre compte, et une partie de la gauche, la plus molle, devra s’y faire, que l’antifascisme n’est plus une option. Car quand je vois que même dans les rangs « progressistes », il y a encore qui renvoient dos à dos les antifas et les fachos, en mode c’est bonnet blanc et blanc bonnet et chou vert et vert chou, je me dis qu’il a encore du boulot. Et ce n’est pas, est-il utile de le souligner avec du hollandisme, que Taubira (on vient de me dire qu’elle se présentait, je suis consterné) nous propose d’essayer à nouveau (et ce sera niet), qui nous sortira le cul des ronces.

Mais vous me connaissez, je suis un indécrottable dépressif optimiste ; partout dans le pays, et en Grèce aussi (où, nous rapporte encore Yannis Youlountas, les camarades anarchistes Giorgos et Nikos, injustement poursuivis, ont été définitivement relaxés, et où les squats solidaires tiennent bon), des réseaux associatifs montrent que l’idéal miteux des fachos n’est qu’un reliquat d’un passé rongé aux mites et qui ne reviendra jamais ; comme l’a dit le Collectif Antifasciste 06 dans un récent communiqué (où vous retrouvez ma plume) : « Ces individus ne sont forts que parce que nous sommes faibles. Ensemble, dans le pays entier, organisons donc une riposte concertée, ancrée dans la vie associative, les groupements syndicaux, le quotidien des quartiers, et faisons en sorte que ces groupuscules ne soient bientôt plus qu’un triste souvenir du vieux monde.  En d’autres termes, il faut remettre les fascistes à leur juste place : dans les poubelles de l’Histoire. » Des poubelles où Macron, Darmanin et toute leur triste bande trouveront aussi leur juste place.

Y a plus qu’à,

Salutations libertaires,

Mačko Dràgàn

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