Le politicien millionnaire Governatori attaque en diffamation deux journalistes du Mouais. L’un est Edwin Malboeuf, l’autre est Mačko Dràgàn. Malgré la présence assidue de ce dernier sur le Net, les enquêteurs ont réussi à se planter et poursuivent à la place… un autre membre de la rédac. En conséquence, l’affaire a été reportée, suite à une audience lunaire, au 4 avril. #JusticePourMouais. (Edit : le procès s’est finalement tenu le 17 novembre 2023. Le délibéré du 26 février 2024 a condamné les deux journalistes à 2 600 euros chacun : 800 euros d’amende, 1000 euros de dommages et intérêts et 800 euros de frais de procédure).

La ville de Nice regorge de tout un tas de clichés et de caricatures dont il est parfois difficile de se départir. Parmi celles-ci, dernièrement, on trouve Jean-Marc Governatori. Sanctionné par le Conseil constitutionnel en 2002 à un an d’inéligibilité, condamné en appel en 2011 pour utilisation frauduleuse de la marque Europe Écologie, Governatori est une pâle copie d’homme politique, même pas vraiment gangster comme on ne les aime pas. Également vendeur de voix pour Estrosi aux régionales de 2015 en échange de la potentielle création d’un institut pour l’écologie qu’il aurait présidé et qui n’a évidemment jamais vu le jour, usurpateur du mouvement écologiste, multimillionnaire ayant fait fortune dans des magasins de meubles pourris (du genre plus cher que le fabricant suédois mais de moins bonne qualité), ex-camarade de campagne de Francis Lalanne, piètre requérant de voix électorales, oscillant entre 0,5 et 3% à quasi chaque élection où il s’est présenté, pour enfin finir en fossoyeur, lors de la dernière élection municipale, de la gauche niçoise, ayant entraîné dans sa fange la section locale d’Europe-Ecologie-les Verts, qui a depuis coupé les ponts avec lui.

Voilà pour une brève présentation du bonhomme qui attaque deux des journalistes du Mouais, dont le procès en diffamation s’est déroulé ce 13 février 2023.

Avec un tel CV, les prétendants à la liste d’alliance dite « écologiste » de Governatori avaient de quoi douter de la sincérité du garçon. Et pourtant, des chevaliers blancs de la politique comme Jean-Christophe Picard, ex-président de l’association de lutte contre la corruption en politique Anticor, qu’il a par ailleurs quitté au moment où il rejoignait Jean-Marc dans son aventure municipale, se sont laissés berner. Quoique. Peut-être que la défense de la vertu en politique n’était qu’une parade pour Jean-Christophe, et que la noble lutte contre la corruption servait des intérêts personnels. Il n’empêche.

Le Vert est dans le fruit

Le 25 décembre 2020, alors que repu par le repas de Noël chez son père, naviguant sur les internets, un de nos rédacteurs tombe sur l’annuelle compilation des « phrases azuréennes les plus marquantes de l’année », publiées sur le blog Mediapart de Jean-Christophe Picard. Probablement irrité par l’aura toujours immaculée dont il semble bénéficier, le camarade susnommé commence son commentaire par ces mots :  « Toujours intéressant tout de même de rappeler qui est ce charmant monsieur Propre de la politique qui nous délivre ses petites phrases marquantes, qui n’en sont pas vraiment et dont tout le monde se fout. ». Puis il déroule le CV de Jean-Marc Governatori, le vert pas mûr, ainsi que celui de Jean-Christophe Picard, le vendeur d’éthique surgelé, à la suite avec ces mots (des mots que nous ne réitérerons pas afin de ne pas faire perdre plus de temps à notre chère et bien-aimée justice) :

«  Élu sur la liste de “l’écolo multimillionnaire” Jean-Marc Governatori à Nice en 2020. Ce dernier a un tableau de chasse impressionnant, pas vraiment un exemple de vertu. M**** de s****** (https://www.nicematin.com/politique/la-famille-governatori-mise-en-cause-par-des-locataires-471938), c****** insolite (https://marsactu.fr/letrange-parcours-de-la-liste-alliance-ecologiste-independante/), soutien de la frontiste Bardot pour 2012, (https://www.lemonde.fr/politique/article/2010/10/15/brigitte-bardot-candidate-ecologiste-en-2012_1426912_823448.html), u**** de fa***, (https://www.lefigaro.fr/flash-actu/2010/01/11/01011-20100111FILWWW00418-imbroglio-sur-la-marque-europe-ecologie.php), chantre du libéralisme ».

Et son compère Mačko Dràgàn de renchérir sous son commentaire, notant l’absence de « phrases marquantes » de la part de Governatori dans le billet de Picard, et affirmant que le premier est un « c***** notoire ». Ces simples phrases leur (nous, la camaraderie n’étant pour nous pas un vain mot) ont valu poursuite et figurent dans l’avis de mise en examen pour diffamation. S’estimant atteint dans son « honneur et sa réputation, tant sur le plan politique que personnel, à trois mois du premier tour des régionales », Jean-Marc porte plainte pour diffamation, avec constitution de partie civile, en mars 2021.

Jérémy n’est pas Mačko

En décembre 2021, un an après ces commentaires, coup de fil de la police au compère Edwin. « On vous cherche vous, Edwin Malboeuf, et Jérémy Dotti, pour vous remettre un courrier ». Ah ? C’est cocasse. Il se trouve que les investigations menées sans doute par de fins limiers (dont une demande à Mediapart de fournir les coordonnées des deux incriminés, ce qui fut fait avec rapidité et limpidité -mais dans le cas de Mačko, les fins limiers ont décidé de ne pas les croire et préféré aller chercher du côté de l’adresse IP, qui était celle de son… colocataire de l’époque, Jérémy donc) « réalisées sur commission rogatoire [ont permis] d’identifier « Malayseur le médisant » comme Edwin Malboeuf et « Macko Dragan » comme Jérémy Dotti. » Raté. Déjà, on écrit « Malsayeur ». Et Mačko Dràgàn n’est pas Jérémy Dotti mais Philémon Dràgàn Crété. Jean-Marc Governatori a également dit ne pas « connaître [leur] identité réelle, sauf à estimer qu’il s’agissait d’activistes engagés ».

Un simple clic sur leurs pseudos respectifs sur Mediapart aurait pourtant renseigné la petite bande à leur recherche : le premier mot de leur bio est « journaliste ». Lorsqu’il a été posé la question après réception d’avis de mise en examen si Jérémy Dotti reconnaissait être l’auteur des propos incriminés, il a bien évidemment nié. On ne l’a pas cru, il est donc poursuivi en lieu et place du vrai Mačko Dràgàn. Ce qui a posé problème lors de l’audience du 13 février, durant laquelle ledit Mačko est venu témoigner : « J’atteste, devant la justice, être le journaliste signant ses articles, et autres prises de parole publiques, sous le nom de Mačko Dràgàn, et ce depuis le le 13 mai 2017, date du premier billet publié dans le blog hébergé par Mediapart, et intitulé « Ni égards, ni patience ».

L’origine de ce semi-pseudonyme a été explicitée par la journaliste Livia Garrigue dans l’entretien qu’elle m’a consacré pour Mediapart et paru le 19 novembre 2020 [donc un mois avant les faits, et très accessible par une simple recherche Google], « Contester l’ordre policier – Mačko Dràgàn, un anar en Estrosie » : « Mačko (prononcer « matchko », mot qui signifie « chat » en serbe), Philémon de son vrai prénom, signe cette semaine son 140ème billet. « Graphomane insomniaque » comme il se décrit, Mačko raconte, deci delà, depuis presque quatre ans, les micro-résistances à l’ordre capitaliste et policier, au monde des caméras de surveillance en somme, et ses tourments de gauchiste dans une ville de droite. Ses écrits révèlent une Nice alternative, populeuse, joyeuse souvent ». » Dont acte.

Jean-Marc, Jean-Christophe et Jean-Marie sont sur un bateau

D’un commentaire posté sur un canapé par un de nos journalistes en pleine digestion sous un article à la diffusion confidentielle (les personnes l’ayant lu se comptent probablement sur les mains de Django Reinhardt ), nous voici à décrire le parcours de ces deux piètres notables locaux. Sans l’attaque en diffamation, nous ne nous épuiserions pas à évoquer leurs sinistres pérégrinations. Mais puisqu’il en va ainsi. Il est à noter tout d’abord que les commentaires des incriminés visaient surtout Jean-Christophe Picard, en critiquant son ralliement à Governatori, dont il est de notoriété publique que c’est un guignol de la politique, du genre de ceux qu’on apprécie finalement malgré lui, tant tout ce qui sort de sa bouche est sujet à moquerie.

Néanmoins, des parcours à la Jean-Christophe Picard, comme beaucoup d’autres aux dents acérés avant lui, sont plus subtils. Comment critiquer le parcours politique d’un serviteur d’une cause si noble qu’est l’anti-corruption ? Qui, est favorable à la corruption ? A y regarder de plus près, on trouve néanmoins des faits intéressants dans son parcours, montrant son ambition bien plus politicienne que politique. A peine arrivé à la présidence de l’association Anticor en 2015, illumination chez Picard : et si Anticor proposait la signature de sa charte éthique au Front national ? « Ce n’est pas nous qui normalisons le FN mais les électeurs. La diabolisation ne marche pas. Alors mettons-le face à ses responsabilités. Le FN est-il prêt à signer contre le cumul des mandats, pour la transparence ? On n’a eu aucune demande de leur part ni des gros partis dits « traditionnels ». Et c’est là le problème. » s’était-il justifié, oubliant peut-être qu’Anticor s’était créé treize ans auparavant… au lendemain de l’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de l’élection présidentielle.

Il faut rappeler qu’en 2014, le vertueux Picard s’est présenté aux municipales à Nice sur la liste de Olivier Bettati, ex-membre du RPR, puis adjoint à Estrosi, passé ensuite du côté FN aux côtés de Marion Maréchal en 2015, et issu de l’école Jacques Médecin, ex-mafieux ayant occupé la fonction de maire de Nice de 1966 à 1990. Pour quelqu’un qui dirigeait la section maralpine du Parti radical de gauche, il faut avouer que le mélange est savoureux. Quoique pas tant quand on connaît le PRG, dont seul le premier mot de l’acronyme demeure avéré.

Ce 13 février, à 13h30, nous nous sommes donc rendus au tribunal correctionnel de Nice, accompagnés de notre avocate Mireille Damiano, pour comparaître à propos de faits d’importance somme toute mineure, ayant mobilisé services judiciaires et policiers pour pas grand-chose. Il en est ressorti que Jérémy a déclaré à nouveau qu’il n’était pas Mačko, ce dernier par le témoignage écrit attesté devant la justice cité plus haut, a bien réclamé la paternité des faits incriminés, twist digne d’une telenovelas, remous dans la salle, appel viril au calme de la présidence, colère de la proc’, toutes les personnes mises en cause, et leur avocate, ont pointé le peu discutable dysfonctionnement de l’enquête, l’avocat de M. Governatori a dit que c’était compliqué et qu’il lui fallait plus de temps, tout ceci fut lunaire, et a donc été renvoyé au 4 avril prochain.

Nous vous en dirons donc très prochainement. Mais en attendant, sachez que jamais on ne fait taire le chat qui miaule.

Signé : la rédac de Mouais

Merci aux copaines venues nous soutenir pour la première audience

NB : Cet article est susceptible de contenir les mots « corrompu notoire », « Marchand de sommeil », « corruption insolite » et « usage de faux », mais dieu sait que nombreuses sont les personnes dans ce département qui méritent ce qualificatif.

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