Nous avons été gâtés par deux belles tribunes de représentants écolos médiatiques au sortir de l’élection présidentielle. Pour privilégier comme souvent, le statu quo. 

Alors qu’il fait 50° C en Inde et au Pakistan, voilà que les écolos médiatiques sortent du bois, pour, comme (très) souvent, raconter n’importe quoi. Le 7 mai dernier, deux tribunes rigolotes (ou navrantes) sont parues le même jour. Et nécessitent une mise au point. La première dans Le Monde rédigée par José Bové (paix à son âme de militant), Daniel Cohn-Bendit (il est encore en vie lui ?) et Jean-Paul Besset (aucune idée de qui c’est mais selon sa fiche Wikipédia il est passé de la LCR à chargé de mission pour Laurent Fabius en quelques années, ça classe un bonhomme) qui fustige l’accord des Verts dans l’ « union des gauches » pour les élections législatives. Puis pour la seconde dans le Journal du dimanche, on a eu le droit à Jean-Marc Jancovici et une quinzaine de personnalités issues du tissu militant écolo pour appeler à un séminaire de formation de 20 heures aux questions écologistes pour les nouveaux ministres.

S’il est évident pour beaucoup que toute cette clique a autant à voir avec l’écologie que nous avec la délicatesse, ils ont, par la grâce de l’élection ou de l’activisme bienséant, une tribune médiatique d’importance. Ce qui en fait, pour une bonne part, des faux amis dans le combat écologiste car elle donne à voir, encore et toujours, cette vision dépolitisée de l’écologie. Avec en filigrane, cette petite musique « l’écologie ça concerne tout le monde, c’est ni de gauche ni de droite ». En vérité, le parti de l’écologie politique, incarné par Europe-Écologie-les-Verts (EELV) devrait sans doute se trouver à l’ultra-giga-méga-gauche du spectre politique tant l’urgence et la matrice idéologique de l’écologie sont antinomiques à l’existant. La tribune des ex-députés européens Europe Ecologie parle “d’escroquerie”, demande à leurs ex-camarades s’ils “n’ont pas honte” et estime que la France insoumise représente la fin de la démocratie et de la liberté (rien que ça). Preuve s’il en est donc, que ce parti n’est qu’un réceptacle d’opportunistes, pas plus écolos qu’une centrale à charbon.

Car oui, contrairement à ce qu’affirment Bové, Cohn-Bendit et Besset, le programme prôné par l’alliance des partis de gauche en matière d’écologie constitue sur le papier un petit pas en avant. Mais bon après tout, ces trois zigotos ne représentent plus rien. Petite larme à l’œil concernant José Bové en revanche, qui confirme que la vieillesse est vraiment un naufrage.

Le plus drôle reste tout de même cette tribune de Jean-Marc Jancovici et consorts, parue dans le JDD, journal bien connu pour avoir exactement la même forme que le paillasson de l’Elysée, appelant à une formation de 20 heures à la question écologiste pour chaque ministre. En fait, pour eux l’écologie, c’est l’équivalent du permis de conduire un pays. Imaginent-ils que les cinq années écoulées dans l’inaction, voire le rebours climatique, l’ont été par manque de connaissances sur le sujet ? Est-ce par manque de formation qu’un gouvernement renie entièrement sa propre création avec la Convention citoyenne pour le climat, qui ont trop bien joué le jeu et ont mis Macron face à sa propre parole, lui qui avait dit qu’il reprendrait sans filtre toutes les propositions ?

Oui, la conscience écologiste vient pour une grande part des sciences. Mais elle ne peut se résumer à des calculs géophysiques. Car si l’écologie naît de la conscience humaine de son intrication dans la nature, elle comprend également la nécessité pour toute société humaine de s’organiser en accord avec son environnement. Et qui dit organisation dit système politique. Or, dans les discours des signataires de ces tribunes, jamais il n’est question d’économie (au sens premier du terme, à savoir la gestion de la rareté), de démocratie (au sens premier du terme, donc directe), de rapport au travail, d’éthique collective.

Que leur expliquera cette formation ? Que l’écologie implique de rompre avec le productivisme, le pilier sur lequel repose le système économique qu’on appelle CAPITALISME (c’est pas un gros mot bordel). Qu’être écologiste, c’est donc être anticapitaliste. Que c’est l’activité humaine, induite par ce système économique qui est la première source de pollution, et qu’il faut la limiter. Se déplacer moins, travailler moins, produire moins, consommer moins, gagner moins. Que se focaliser sur une échelle individuelle, donc culpabilisante et moralisatrice est contre-productif et à côté de la plaque. Et donc après cette formation qui aurait enseigné cela, qu’en sera-t-il ? La suite logique serait : « Nous démissionnons tous, supprimons les postes de ministres et présidents, et allons faire pousser des salades dans le Loiret ».

« Tous ceux qui ont été formés aux enjeux écologiques le savent, les données sont factuelles, scientifiques, cartésiennes et ne relèvent ni de la croyance ni de l’opinion politique. La convention citoyenne pour le climat a été un bel exemple : 150 Français de tous horizons ont été tirés au sort, et, à l’issue d’une formation de vingt heures, 100 % d’entre eux étaient convaincus de l’urgence et de l’importance de l’action écologique.» La tribune débute ainsi et elle pose déjà un problème. Premièrement, si tout cela ne relève pas de l’opinion politique alors pourquoi après tant de COP et de rapports du GIEC, en sommes-nous toujours quasiment au même point ? C’est justement car leur opinion politique est en contradiction avec l’écologie. Et ils en ont bien conscience ! Ensuite, si effectivement la Convention citoyenne a représenté un moment intéressant de conversion des membres tirés au sort à la compréhension des enjeux écologistes, c’est surtout car ils ne défendaient ni une position sociale, ni un mandat électif pendant ces neuf mois de réflexion. Ce qui, évidemment, n’est et ne sera jamais le cas pour des mandatés dans le cadre de la démocratie représentative bourgeoise (pas un gros mot non plus).

Si Macron et consorts ont aussi peu d’allant en termes de politique écologique, c’est surtout parce qu’une politique digne de ce nom en la matière siffle la fin de la récré pour une bonne poignée de personnes, qui se trouvent être ses camarades de classe.

On peut continuer à se poser la question autant qu’on veut : les gouvernants sont-ils cyniques ou ignorants ? S’ils « savent », alors pourquoi ces numéros d’équilibriste entre responsabilité individuelle et foi dans le solutionnisme technologique, qui n’a jamais rien résolu, bien au contraire ? Ou bien, ils sont parfaitement ignorants comme le présume cette tribune, et alors une petite formation d’une semaine viendrait à combler le manque théorique et pratique de ces gouvernants si pragmatiques et prompts à défendre l’intérêt général ? Dans un cas comme dans l’autre, c’est très grave docteur. Plus loin dans la tribune, on retrouve cette phrase : « Nous refusons de croire que l’insuffisance du précédent quinquennat en la matière relevait d’un manque de courage ou, pire, de convictions. La transition écologique est un sujet transversal, une question de justice qui concerne tous les pans de notre société, tous les ministères et tous les ministres que votre Premier ministre va nommer. » Si vous refusez d’y croire, nous on y croit. Bien sûr un manque de convictions. Comment penser autrement la vacuité du programme de Macron en la matière, ses renoncements, le retour sur l’interdiction des néonicotinoïdes, les repoussements ad nauseam des mesures d’interdiction de pesticides, les courbettes aux grandes entreprises les plus émettrices de CO2, la loi Climat qui n’a à voir avec le climat que le nom etc. Pour Macron l’écologie, c’est un supplément d’âme semble-t-il : « Quoi qu’on fasse, on dira toujours qu’on n’en fait pas assez ». (1) Effectivement, puisqu’ils ne font rien, ou si peu, ou si mal.

Les signataires de la tribune ont gardé le meilleur pour la fin : « Nous attendons de vous que vous participiez à une formation exigeante, en vingt heures, en présence, sans délégation et en suivant la méthodologie des institutions compétentes abordant la question climatique sous tous ses angles, ne se limitant pas aux enjeux énergétiques. La formation est l’essence de la transformation. Savoir, c’est pouvoir. Sans vous, nous ne pouvons pas réussir la transition écologique. Nous comptons sur vous pour accepter cet exercice. » De notre côté, nous aurions plutôt écrit « avec vous, nous ne pouvons pas ». Et dire qu’il suffit de bachoter quelques modules pour être prêt à la transformation du monde en répondant aux exigences écologiques ! En ce sens, nous les remercions. Nous qui pensions que la question écologiste nécessitait une refondation totale de notre organisation sociale, de rupture avec le capitalisme et ses corollaires que sont l’extractivisme et le productivisme, respectivement responsables de la destruction de l’environnement et de l’accumulation de marchandises inutiles. Que nenni.

Selon Jean-Marc Jancovici, l’écologie c’est des maths. Tu peux prendre le plus grand écocidaire de la planète, le foutre dans une pièce 20 heures avec des photos d’espèces d’animaux mignons en train de s’éteindre et, tada magie du savoir, on retrouve un ministre écolo comme personne à la sortie.

C’est plutôt à Jean-Marc Jancovici qu’il faudrait faire suivre une formation : en sciences sociales. Ça évitera de balancer pareilles inepties, et l’aidera peut-être à comprendre que les positions sociales des individus en poste qui les font jouir de la vie jusqu’à la cystite ou l’irritation ne seront pas remises en cause de leur propre gré. De même que si certains individus réellement conscients des enjeux écologiques voulaient intégrer la structure pour changer les choses de l’intérieur, ils se rendraient vite compte que la structure écrase, conditionne, et empêche. Pour les écolos en carton recyclé, c’est quelle poubelle ? On n’a pas encore fini notre formation de 20 heures en tri sélectif.

La première tribune de Bové, Cohn Bendit et Besset : https://www.lemonde.fr/idees/article/2022/05/07/jean-paul-besset-jose-bove-et-daniel-cohn-bendit-l-accord-des-verts-avec-la-france-insoumise-est-une-escroquerie_6125157_3232.html

La seconde tribune de Jancovici and co : https://www.lejdd.fr/Politique/jancovici-cyrulnik-dion-ludosky-17-personnalites-appellent-les-ministres-a-se-former-a-lecologie-4110040

Par Malsayeur le Médisant.

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