« La Palestine et son peuple ont été invisibilisés ». Hier, des militant·e·s niçois·e·s ont déposé une structure « #FreePalestine » (parodie de la sinistre structure touristique #ILoveNice ») sur une des places principales de la ville, à Masséna. Elle y est restée 20 minutes, avant que la police ne vienne leur signifier de partir, avant… de les rattraper plus loin pour distribuer des amendes à 135 euros. Mouais vous raconte tout.

Article de France Bleu sur la “disparition” du hideux “ILoveNice”

La structure devait initialement être déposée à Rauba Capeu, les militant·e·s voulant profiter de l’absence du #IloveNice, enlevé 10 jours le temps d’être nettoyé.

Mais, racontent-elles et ils à Mouais, la veille de l’action, stupeur. Les médias dominants locaux (ici, Nice-Matin) annoncent dans leurs titres : « L’action est annoncée : ce mercredi 8 novembre, des manifestants se rendront à Rauba Capeu avec l’intention d’y déposer une structure #FreePalestine ». Une activiste non liée à cette initiative l’avait en effet, non sans maladresse certes… annoncée en Story Instagram.

Pas si grave finalement, puisque cela permettra tout de même à des petits rigolos, dans la plus pure tradition carnavalesque nissarte, de proclamer au jour dit leur amour de la dinde et leur haine du PQ, aux côtés des 5 fourgons de policiers et des médias avides de scoop et d’arrestations arbitraires (je vous laisse deviner qui est avide de quoi) inutilement mobilisés aux abords d’un « ILoveNice » rapatrié en panique pendant la nuit, et d’une étrange couleur orange.

 

La police et les médias sont là….
Pour ça.

Et donc, hier, le vendredi 10 novembre, à 16h30, le collectif se retrouve sur la grande place Masséna, en centre-ville, devant la fontaine du Soleil, sous la statue d’Apollon. « Vingt petites minutes, écrit Nice-Matin, le temps que la police vienne leur demander des explications ». Des explications dont les flics seront quant à eux avares, se refusant à dire pourquoi ils interpellent et demandent les papiers d’identité de personnes a priori inoffensives, occupées à enlever leur sympathique structure. « On ne peut rien vous dire, déclare l’un d’eux au journaliste auteur de ces lignes. -Mais pourquoi ? -Vous connaissez la loi, moi aussi, voilà. -Alors non je ne connais pas le texte de loi qui justifie ce que vous faites maintenant, c’est pour cela que je vous demande. -Je ne peux rien dire. Devoir de réserve ». Il reviendra finalement un peu plus tard pour déclarer : « C’est une occupation illégale de l’espace public, si vous voulez savoir. Voilà. On ne va pas verbaliser, on n’est pas là pour ça, mais on pourrait le faire ».

« La Palestine et son peuple ont été invisibilisés »

Les services policiers et municipaux sont mobilisés en masse (notamment un étrange monsieur en costume, qui a tout filmé sans que l’on sache bien s’il fait partie de la police ou de la marie, et un autre, sosie de Michel Blanc, présent au milieu des flics, mais qui se refuse de son côté à ce que je le prenne en photo : « Je suis ici en civil »). Deux fourgons sont apparus, et stationnent au loin. Tout ça pour des militant·e·s pacifistes ayant déclaré, dans un communiqué transmis à la presse, simplement vouloir « donner une visibilité au peuple palestinien, à ses morts invisibilisés, quand ils ne sont pas légitimés, dans nos médias occidentaux ».

Elles et ils rappellent : « Nous sommes à Nice, où 14 drapeaux israéliens flottent sur l’hôtel de ville, où notre maire montre par là son soutien inconditionnel à Israël « nous les enlèverons quand nous aurons gagné »… ( Nous posons ces questions : Est-ce qu’avec 4000 enfants morts on peut considérer qu’ils ont gagné ? Ou est-ce que nous sommes condamnés aux laïus qui font l’apologie de ce génocide ?) Où étaient les médias et les politiciens quand il s’agissait de déplorer les humiliations, les massacres, les exils forcés ?

Plus d’un million de Palestien.ne.s contraints à l’exil depuis 1948. Plus de 10 000 civils palestinien.ne.s tués depuis le 7 octobre. Où sont passées les larmes de l’Occident ? Où est passé l’appel à cessez-le-feu de la France ? La Palestine et son peuple ont été invisibilisés. Nous nous devons de rappeler le rôle et la responsabilité occidentale dans cette situation catastrophique, dans la gestion néo-coloniale de cette région comme dans l’antisémitisme historique latent qui a poussé à cette diaspora juive.

Nous parlons aujourd’hui de respect et de reconnaissance, nous parlons de colonisation et de responsabilité, nous parlons de traitement médiatique et d’invisibilisation, nous parlons racisme, discrimination, antisémitisme et islamophobie. Nous posons ces termes et ce message : « #FREEPALESTINE ». Mahmoud Darwich, poète palestinien contraint à l‘exil avait écrit: « Nous souffrons d’un mal incurable qui s’appelle l’espoir. Espoir de libération et d’indépendance. Espoir d’une vie normale où nous ne serons ni héros ni victime ».

Ne les oublions pas, parlons de la Palestine, ses enfants, ses femmes, ses hommes, dénonçons le massacre en cours, ne les oublions pas. Les palestinien.e.s ont été et ils seront !
Liberté Egalité Fraternité au peuple palestinien »
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Le « #FreePalestine » est remballé, et la petite bande s’en va.

Mais, plot twist : alors qu’elles et ils attendent sagement leur tram pour rentrer, voilà que les policiers rattrapent trois d’entre eux, et… leur distribue des amendes, cette fois-ci non pas pour « occupation illégale de l’espace public » mais « participation à un rassemblement illégal ». 135 euros. Doit-on croire à un rappel à l’ordre de la hiérarchie, qui aurait tapé sur les doigts de flics semblant peu désireux de vouloir réprimer trop fort des jeunes gens qui ne faisaient somme toute qu’utiliser leurs droits démocratiques ?

Nous ne saurons pas. L’un d’eux, nous rapporte une des personnes interpellées, leur a déclaré : « Vous savez, on fait ça pour vous protéger. Vous, vous avez des bonnes intentions, mais n’oublions pas ce qui s’est passé sur la prom’ à Nice il y a quelques années ».

Oui, on n’oublie pas. Nous connaissons des personnes qui ont vu leur vie brisée par cet attentat. Et nous n’oublions pas non plus la responsabilité de la mairie. Comme l’a rapporté récemment Mediapart : « C’est un coup de semonce pour la ville. Sept ans après l’attentat terroriste de la promenade des Anglais, à Nice, le 14 juillet 2016, les trois juges d’instruction chargés du volet sécuritaire de l’enquête, c’est-à-dire concernant les failles du dispositif de sécurité, viennent de requalifier les faits en « homicides et blessures involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence ou de sécurité ». Ce qui ouvre la voie à de nouvelles investigations et à une éventuelle mise en examen du maire de Nice de l’époque ».

La manifestation d’aujourd’hui, pour une paix juste et durable, a quant à elle à nouveau été interdite par Moutouh, notre nouveau préfet, peu féru lui non plus de liberté d’expression. Mais il y a de fortes chances que, comme les deux dernières fois, il doive finalement bouffer son arrêté avec de l’huile d’olive et des farcis. Bon appétit.

Mačko Dràgàn

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