Alain Aspect, récent prix Nobel de physique, sur France Inter : « Je suis atterré quand des grands scientifiques versent [dans le complotisme] je ne comprends pas psychologiquement ce qu’il se passe ». Ce qu’il se passe s’appelle le capitalisme, et la logique concurrentielle qui vient dégrader le monde de la recherche. Alexander Samuel, biologiste activiste en lutte contre le système Raoult, qui a porté plainte contre lui, revient sur cette affaire : « Des Raoult, il y a en a partout. Le problème est systémique, pas individuel ». Par Mačko Dràgàn
Ce lundi 3 octobre, les réseaux sociaux bruissent : « Didier Raoult attaque en justice le lanceur d’alerte azuréen qui dénonçait ses fraudes », titre Nice-Matin, une affirmation rapidement reprise dans toute la presse nationale, entraînant un vaste mouvement de soutien. Étonné, vous comprendrez pourquoi, je contacte aussitôt le jeune homme en question, Alexander Samuel, dit « gasbuster » ou Alex-Sam, scientifique titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire et professeur en lycée, que je connais bien (nous nous sommes rencontrés en garde à vue dans le commissariat niçois de Auvare, ça créé des liens). Rendez-vous est pris aussitôt à la terrasse d’un bar du Vieux-Nice pour revenir sur cette affaire.
« Ça date en fait d’il y a un an, cette plainte », me confirme-t-il en riant -d’où mon étonnement de voir cette information sortir maintenant, d’autant qu’elle le fut souvent avec parfois quelques approximation, BMTV affirmant ainsi : « Un mois après sa plainte en diffamation contre l’infectiologue Karine Lacombe, l’ancien directeur de l’IHU [instituts hospitalo-universitaires] de Marseille vise cette fois Alexander Samuel. Selon nos confrères de Nice-Matin, ce lanceur d’alerte, installé dans les Alpes-Maritimes, est visé, lui aussi, par une plainte pour diffamation et injures publiques. Le lanceur d’alerte avait d’abord relayé sur un blog les propos du journaliste scientifique ukrainien, Leonid Schneider, en les traduisant. Il qualifiait alors Didier Raoult de “gourou” et de “druide de la chloroquine”. » Un bref passage qui contient au moins deux imprécisions, puisqu’on l’a vu, la plainte ne vient pas d’être déposée, et que le journaliste scientifique est plus précisément Ukraino-Allemand résidant en Allemagne.
De manière générale, Alex déplore le traitement médiatique accordé à cette histoire : « Le problème de la plupart des médias, c’est qu’ils adorent ça, se focaliser sur des figures individuelles. L’article de Nice-Matin, par exemple, qui est à l’origine de ce « buzz », me place en « petit scientifique » à la cool face au « grand scientifique »… Donc deux individualités, deux hommes blancs qui plus est, ce qui est très masculiniste. Pourquoi moi et Raoult ? Ils renvoient ça à un concours de bite, c’est stérile. La science, c’est quelque chose de collectif, des gens qui travaillent ensemble pour le bien commun ».
Et dans le cas de Raoult (1), c’est bien cette focale mise sur la personne, au détriment du bien commun et des impératifs scientifiques, qui dès le début à été à l’origine du problème. Et s’est ainsi fait le révélateur de dysfonctionnements à bien plus grande échelle, au sein d’un monde scientifique soumis à la logique capitaliste de la mise en concurrence et du profit : « Il y a plein de domaines où il y a des Raoult. Le problème est systémique, pas individuel ».
Aux origines du raoultisme
Rappel des faits. Pour celles et ceux qui auraient passé ces trois derrières années dans la rubrique « actus » du site de Faudel, Didier Raoult est le directeur de l’institut hospitalo-universitaire de Marseille, devenu, au début du premier confinement, une idole pour toute une partie du pays grâce à la promotion de son traitement -inefficace- contre le Covid-19, l’hydroxychloroquine, et à son discours virulent contre les institutions médicales. Mais dès cette époque, Mediapart révélait deux rapports détaillant les méthodes pour le moins suspecte de Raoult, avant, quelques temps de plus tard, de dévoiler que ses équipes prescrivaient hors de tout cadre légal un traitement expérimental aux conséquences parfois désastreuses à des patients atteint de la tuberculose. Tout ceci a été dûment prouvé, sourcé et renseigné. Alex, me dit-il, ne se fait ainsi pas trop de soucis pour le procès, « une opportunité, selon lui, de foutre Raoult devant sa merde. Il m’accuse de relayer tout ce qui est sorti dans les rapports officiels…. Ce sera le procès de Raoult plutôt que le mien ». Non ; « Pour le Mouais, j’aimerai moins me concentrer sur le personnage, pas si intéressant, que sur la rupture politique qu’il a représenté ».
« Auparavant, me raconte Alex, il y avait cette différence nette entre le scientifique, qui fait ses recherches, fait des tests in vitro, et le médecin, qui est sur le terrain. Ceux qui créent du savoir, et ceux qui l’appliquent ; tous travaillent ensemble. Et si le scientifique ment au médecin, c’est un énorme problème. Il faut un rapport de confiance. Car sinon les personnes chargées d’appliquer les recherches vont faire de la merde à partir de données truquées ». Selon lui, la grosse rupture qu’a représenté le cas Raoult « c’est qu’il s’est posé comme le mec qui fait les deux en même temps, le scientifique et le médecin, tout seul dans son coin, sans rendre de comptes à personne. Raoult, c’est un scientifique. Directeur d’institut qui plus est. C’est pas un mec qui voit ses patients tous les jours -il le disait lui-même, il les voit une fois par semaine. Avec sa stature scientifique il a produit un faux savoir ; et il est normal que des médecins soient tombés dans le panneaux. »
« Le vrai problème de fond avec Raoult, poursuit-il, c’est que dès le début son discours est individualiste et égotiste. Il s’est posé en héros solitaire, osant en plus dire que tous les autres étaient nuls et face à ça, il y avait l’occasion d’opposer un discours collectif, de dire « il n’y a pas d’un côté le scientifique de bureau opposé au médecin sur le terrain », non, il y a les deux qui travaillent ensemble ; mais ça n’est pas ce qui s’est passé ».
Une rupture avec la logique scientifique de coopération
Alex donne pour exemple l’échec du projet Solidarity, qui fut notamment présenté à l’époque dans une vidéo du youtubeur scientifique Lê, de la chaîne Science4all, qui s’intéresse, je cite sans rien y comprendre, aux « principes des essais cliniques randomisés adaptatifs, qui cherchent à accélérer les essais cliniques classiques en améliorant au passage leur rigueur statistique. En particulier, on va se concentrer sur le modèle du multi-armed bandit ». Mais encore ? Alex me présente les choses plus clairement : « Au début de la pandémie, un essai mondial a été proposé par l’OMS, qu’on peut critiquer, Bill Gates tout ça, et il peut effectivement y avoir des conflits d’intérêt, mais c’est tout de même un « board » scientifique qui décide. Solidarity, ça consistait à tester toutes les molécules en même temps, en double aveugle. Dès qu’il y en a une qui est statistiquement en dessous des autres, on la dégage, et dès qu’il y en a une au dessus, ça devient le traitement standard, -et on compare tous les autres à celui là ». Il s’agit donc « d’un système vertueux, basé sur l’entraide, la coopération à grande échelle ».
Et l’idée plaisait à tout le monde. Mais spoiler : ça n’a pas été mis en place. J’en demande les raisons à Alex en commandant ma deuxième pinte et lui, un jus de fruit (il ne boit pas). « Ça n’a pas été fait à cause des égos, et plein de médecins individualistes à la Raoult qui n’ont pas bossé avec Solidarity et sont partis dans leur coin en disant « moi j’ai la solution », et en affirmant de pas avoir besoin des essais collectifs » –qui, dans le cas de Raoult, auraient en plus fatalement révélé qu’il avait falsifié des données, ce dont il était sans doute bien conscient. « Mais il n’est pas le seul à avoir fait ça. Il y a eu pareil avec l’Ivermectine…. et les gens, qui étaient très légitimement en défiance avec l’autorité -moi, en tant que Gilet Jaune, j’aurai pas été scientifique j’aurai fait pareil-, on adhéré à ce discours, et se sont tous mis à demander de l’hydroxychloroquine, ce qui a complètement faussé les essais et brisé la logique de coopération ».
Les « journaux prédateurs », un dysfonctionnement systémique
Le tout en se permettant de se poser en icône rebelle au ton violemment anti-institutionnel, ce qui est assez comique quand on connaît le véritable parcours du bonhomme : « Le gars est passé par Sarko et Juppé. Il a obtenu des prix, parfois avec l’aide de gens proches de Sarko, il avait déjà un réseau marseillais, notamment parce qu’il était pote de fac avec Renaud Muselier, son chargé de com’, Yanis Roussel, était dans la REM, il a reçu dès avril 2020 une visite de Macron… Son projet, il faut bien le comprendre, c’est un projet politique. Il a produit un rapport en bioterrorisme, en surfant à l’époque sur la peur des attentats à l’arme biologique, et en disant : « il faut qu’il y ait une IHU qui s’intéresse à ça » Et c’est comme ça qu’il a reçu le soutien de la droite ultra-sécuritaire pour financer son institut. Il a réussi à se créer sa petite niche en partie sur la base des idéologies paranoïaques d’extrême droite ».
Sur cette base politique, mais aussi sur une ingénieuse façon de tirer profit des dysfonctionnement du système des publications ; et on touche ici à la partie plus proprement économique, et capitalistes, des problèmes qui minent l’univers scientifique contemporain : plus on publie, plus on gagne d’argent. Mais la qualité des articles et la fiabilité des revues n’est pas forcément au rendez-vous, notamment quand il s’agit de journaux qu’on a créé soit-même ou dont a intégré le comité directeur, comme Raoult l’a beaucoup fait -publiant ainsi un peu tout et n’importe quoi, « pas des trucs forcément faux, mais des choses qu’on ne publie pas en temps normal, comme par exemple de simples résultats d’analyse... »
Pour comprendre ce qui se joue là-dedans, il convient de regarder les choses historiquement. « C’est la mise en concurrence qui a créé ce problème. Il faut voir comment la science marchait avant. On part d’un système avec diverses académies, plus ou moins grosses, avec leurs comités scientifiques, et quand il y avait des conflits, c’était elles qui jouaient le rôle d’arbitre et organisaient les débats, qui avaient lieu aussi au sein des revues de chaque université ». Un système sans doute pas idéal, mais fonctionnel. Puis, « on a basculé dans un système où ces revues ont été progressivement rachetées par des entreprises privées, avec un business model. On est donc passé d’une revue financée par une académie publique, ou du mécénat, à un financement venu d’entrepreneurs privés qui vont gérer tout ça -ce qui a notamment mené à l’apparition de ce qu’on appelle des « journaux prédateurs » ».
Le terme a été créé par le documentaliste et lanceur d’alerte étasunien Jeffrey Beall, à la fin des années 2000 ; il désigne donc des revues scientifiques publiant n’importe quoi, « comme ces revues chinoises dont les « articles » étaient de simples copié-collé : tu files 2000, 3000 balles, et on te fait monter ton index de chercheur » –le fameux h-index (ou facteur h), créé par le physicien Jorge Hirsch en 2005, un indicateur d’impact des publications prenant en compte à la fois le nombre de publications d’un chercheur et le nombre de leurs citations, qui, s’il peut être bien utile -il permet par exemple de réaliser assez vite que le h-index d’Idriss Aberkane, raoultien fanatique, est égal à zéro- mais qui a tout de même ses limites -notamment quand des revues prédatrices vont pratiquer à grande échelle la publication ou la citation dite « de complaisance ».
Leonid Schneider, animateur du blog For better science que Alex cite souvent, consacre sa vie à traquer et débusquer les escrocs qui tirent profits de ces graves dysfonctionnements de la logique scientifique, qui sont nombreuses, puisqu’il en détaille parfois jusqu’à deux à trois par semaine. « Tu peux même trouver des faux diplômes… De mon côté, je suis tombé sur un gars qui s’est acheté deux diplômes en Espagne ! » Ces fraudes, répétons-le, sont la conséquence directe de l’essor d’une logique économique concurrentielle et productiviste dans un monde scientifique qui ne devrait pas s’y prêter : « C’est un mal capitaliste », dit Alex.
« C’est un mal capitaliste »
« Il y a un problème systémique. La manière d’organiser la recherche est problématique. C’est parti d’un truc académique, public, ou sur la base du mécénat, et ça a dévié sur un système qui s’est totalement adapté au capitalisme. La précarité de financement induite par ce système a créé cette dégradation ». Il poursuit : « Il faut donc faire attention au mot « corruption », souvent employé à mauvais escient ». La fraude scientifique de départ, à mon sens et de ce que j’en sais, n’est pas liée à une entreprise pharmaceutique ou autre qui paye la personne pour faire ci ou ça. Elle est liée à une personne qui cherche à avoir de la notoriété en tant que scientifique, à booster son institut, qui est dans un esprit de compétition, ou qui cherche simplement à survivre, parce que le labo perd ses financement et meurt s’il ne publie pas… »
Le processus n’est pas récent mais, comme souvent dans le rouleau compresseur ultra-libéral, il a connu quelques avancées-éclair notables. « Je suis pas vieux, j’ai 37 ans, donc j’ai pas connu toute cette histoire, se souvient Alex. Mais il y a une réforme contre laquelle j’ai lutté, c’est la LRU » -la loi dite « d’autonomie des universités », qui a entre autres ouvert la voie au financement des filières de recherche par le privé et entraîné l’émergence de nombreux partenariats problématiques entres des facs et des grandes entreprises. Et il y a eu aussi la réforme imposée au comité national de la recherche scientifique (CNRS), « avec un système par projet sur 3 ans. Au lieu d’avoir une évaluation générale du labo, avec une science qui fonctionne au rythme de la science, et de sujets qui peuvent prendre beaucoup de temps, tu te retrouves dans un système où tout le monde doit poser des « projets » avec cette deadline de trois ans, et doit produire des publications, résultats etc. pour pouvoir justifier ses demandes de financement pour le prochain projet ».
Résultat : « C’est une course au financement, avec des fonds publics, mais aussi beaucoup de fonds privés, avec en plus l’apparition de choses comme les instituts hospitalo-universitaires (IHU), qui ont un statut encore plus capitalistes que les autres, avec ceci de particulier qu’elles sont des fondations, avec tout ce que ça implique de risques en termes de conflits d’intérêt ».
Et c’est tout ceci qui a permis, donc, l’émergence de figure comme Didier Raoult, mais aussi Luc Montagner, Christian Perronne et bien d’autres. « En France, par le passé, on a eu des affaires massives », rappelle Alex. Comme en 2017, comme lorsque la présidente du CNRS elle-même, Anne Peyroche, est suspectée d’avoir procédé à des manipulations dans plusieurs publications scientifiques écrites entre 2001 et 2012. Ou quand le biologiste Olivier Voinnet, membre de l’Académie des Sciences et médaille d’argent du CNRS, doit être suspendu et neuf des articles dont il était co-auteur retirés (de nombreux autres seront signalés, ou devront être corrigé) suite à ses suspicions de manquement à l’intégrité scientifique.
Et, outre-Manche, il y a eu évidemment l’affaire Andrew Wakefield, qui avait tenté de faire croire à des liens entre vaccin et autisme sur la base de recherches totalement truquées publiées dans les pages de la prestigieuse revue The Lancet. « Wakefield est une des personnes qui je pense a causé le plus de torts à la science. Pour moi, le premier LancetGate, c’est ça. Et à l’époque, ça n’a pas été rétracté en une semaine. Et le truc perdure encore », comme l’a notamment montré la chaîne Arte dans son documentaire « Antivax, les marchands de doute ».
Selon Alex, à quelques exceptions médiatiquement exposée près, « ces gens-là sont rarement sanctionné. Rien n’est prévu. Il y a trop peu de garde fou pour les fraudes. Alors, oui, ils ont un peu la honte, mais techniquement, ils peuvent continuer à publier… » Et ainsi, notamment, contribuer à alimenter un complotisme en progression exponentielle depuis le début de la crise du Covid, et dont les ravages se font sentir dans tous les milieux. « Tu vas avoir des gens comme Casasnovas, gourou du net bien connu pour ses délires sur les vertus curatives du jeûne, qui vont s’appuyer sur ces publication truquée qui scientifiquement ne valent rien, en l’occurrence ici celles par exemple de Valter D. Longo, dont les travaux ne valent pas un clou mais qui a eu l’honneur des médias ». Et quand les publications sont valables mais que, à côté, les chercheurs qui les ont produites déraillent sur Youtube, « le milieu scientifique laisse faire, comme si ça ne les concernait pas ».
L’extrême-droite en embuscade
Or, inutile de se raconter des histoires, c’est surtout l’extrême-droite qui profit de ce complotisme s’appuyant sur les théories fumeuses de scientifiques en roue libre. « L’extrême droite s’est toujours alimentée avec le complotisme. L’antisémitisme, le complot mondial, tout ça… Un mec comme Fouché, qui a désormais des liens avec les sphères soralienne, je pense qu’il n’était pas d’extrême-droite de base. Mais son complotisme l’a poussé vers ça. Les études l’ont montré : quand tu commences à croire en un complot, tu finis par croire à tous les autres -même s’ils se contredisent parfois. Et de fait, ça va souvent mener vers les complots de l’extrême-droite ». Notamment au sein des groupes de Gilets Jaunes, nombreuses sont les personnes a avoir ainsi plus ou moins progressivement basculé. « J’ai été très triste de voir des potes à moi danser sur du HK au milieu des fachos. J’ai envie de dire, « copain, tu chantes Danser encore, et juste derrière toi, tu fermes les yeux sur des gens qui sont dans une pensée homophobe, réactionnaire… » ça ne va pas du tout » (2).
Ses luttes contre le système Raoult, et la viralité de l’article de Nice-Matin, on d’ailleurs valu ces derniers jours à Alex un sympathique article dans les colonnes du « Média en 4-4-2 », site internet directement lié à l’extrême-droite antisémite soralienne, qui prend évidemment fait et cause pour l’ex-directeur de l’IHU-Méditerranée, qui « défend son honneur », contre le « vrai-faux docteur » Alexander Samuel, qui, « pourrait-on y voir l’origine de son acrimonie face à l’impressionnant CV du Pr Raoult ? », se demandent-ils ingénument, n’est « que » « prof de math — contractuel, c’est-à-dire sans avoir réussi de concours —, dans un lycée technique », la honte -même si, bon, c’est faux, Alex est bel et bien fonctionnaire titulaire à plein temps. Et de conclure : « Le temps est désormais au silence dans les rangs. Haro sur ceux qui ont sauvé des vies, alors qu’ils auraient dû prescrire du Doliprane jusqu’à l’étouffement final. » Sic transit gloria mundi.
Des pistes de sortie de crise ?
Mais alors, quelles solutions imaginer en remède à tous les Raoult du monde, et à l’extrême-droite qui se nourrit de ce terreau créé par les dérives capitalistes du monde de la recherche ? Je demande à Alex s’il y aurait la possibilité de mettre un peu d’autogestion dans tout ce merdier, afin d’échapper aux logiques mercantiles. « Il y a déjà les labos autogérés aux États-Unis, avec des expériences in vitro ; il y a en notamment qui créent leur propre insuline maison. Comme l’accès à ce médicament est difficile là-bas, des étudiants en biologie ont monté des labos dans des caves, à l’arrache mais en respectant scrupuleusement les règles hygiène, et le cadre légal qui permet de faire de l’insuline de qualité ».
Et un vaccin autogéré, cela serait possible ? « Techniquement, on pourrait le fabriquer. Mais pas le faire valider -parce que ça passe par des phases d’essai sur des animaux (eh oui…) puis sur l’homme qui sont obligatoires avant la mise sur le marché, et c’est un financement énorme ». Il serait donc néanmoins possible de hacker la molécule… « On pourrait. On a des moyens de spectrométrie de masse pour voir de quoi il est fait. Et par exemple, Moderna a prévu que si quelqu’un « hackait » leur vaccin, il ne le poursuivrait pas -au contraire de Pfizer, qui a copyrighté. Et du coup, pourquoi aucun État n’a tenté de la rétro-ingéniérer pour le refaire ? Eh bien je ne sais pas. Mais c’est dommage. Après, il faut être prudent quand on dit ça ; peut-être que les gouvernements ont de bonnes raisons, c’était peut être moins coûteux de les acheter que de les faire… Je n’en sais rien ».
Car c’est bien là finalement le cœur du problème : les politiques publiques menées par le gouvernement en terme de santé depuis des décennies, qui évoluent entre absence totale de transparence et mépris du fonctionnement vertueux de la méthode scientifique. « La question fondamentale c’est : est ce qu’on veut d’une recherche où tout est fait dans un but de résultats allant dans le sens des intérêts des entreprises, et la connaissance, on s’en branle ; ou est-ce que tu veux que la recherche ait un rôle de développement des savoirs fondamentaux, et dans ce cas il faut accepter que beaucoup d’argent soit mis dans des trucs qui ne rapportent rien. On peut faire un peu des deux bien sûr, mais c’est important de garder cette deuxième composante, fondamentale, et qui est très mise à mal ».
Par Mačko Dràgàn
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(1) A propos duquel je ne résiste pas à la tentation de citer le refrain de la chanson Raoul & Alain, de Marcel et son orchestre : « T’aurais pas du fâcher Raoul / Sérieux, tu l’as pas vu quand il se met en boule ».
(1) Pour la petite histoire, parlant d’extrême-droite, lors de notre entretien, un homme passe, le reconnaît, lui dit : « merci frérot », ajoute qu’il l’a connu via… Vincent Lapierre (ancien collaborateur du site d’extrême droite antisémite Égalité et réconciliation), affirme qu’il aime beaucoup ce qu’il fait et précise : « Tu m’as même un peu fait douter ». Un moment… étonnant.