Ce 20 mars 2022, à l’initiative de l’Union Populaire, a eu lieu à Paris une grande Marche pour la VIème République, qui a rassemblé semble-t-il plus de 100 000 personnes. Récit de cette journée ; et l’occasion pour les niçois que nous sommes de revenir sur une affaire qui a défrayé la chronique : le #PaillassouGate.

L’ambiance est très joyeuse et festive, Place de la Bastille, au départ de la marche. Des groupes sont venus de la France entière, on entend battre une batucada de l’Aveyron. Tout le monde se cherche parmi les sonos, et les banderoles.  La foule est fourmillante et rappelle des souvenirs (lointain, hélas) de grosses manifs. Ah oui c’est vrai, aujourd’hui on marche pour la 6^e République. On entend raisonner « voilà l’été » des Negresses Vertes, le soleil brille. On s’y croirait presque !

Très vite je vois au loin valser un pantin de macron dans le ciel bleu. Incroyable, voilà les niçois ! Le paillassou du président, tradition nissarte devenue emblème de nos manifs sur la Côte, dénote dans les grands boulevards Haussmanniens. Dans le cortège de la France Insoumise des Alpes-Maritimes, c’est la grosse ambiance, on chante des slogans. Les Parisiens nous regardent les yeux ébahis fasse au pantin volant et aux cris rythmés qui accompagnent chaque saut ou chute du Macron pastiché.

La député LREM, Valérie Oppelt réagira plus tard de façon outrée en traitant les militants « d’extrême gauche » de « personnes violentes et dangereuses pour l’avenir de notre pays », visiblement ignorante de la tradition carnavalesque populaire niçoise. L’effet « pantaï » (c’est ainsi qu’on appelle par chez nous la subversion festive) niçois se fait vite ressentir dans les rangs de la bourgeoisie parisienne, déclenchant une panique générale. Isabelle Saporta, par ailleurs compagne de Yannick Jadot (allez savoir s’il y a un lien avec tout ça), y verra de son côté… une caricature « antisémite », mais oui ; puisqu’elle travaille chez Fayard et est donc familière de l’univers du livre, nous lui conseillons de feuilleter le travail de Mihaïl Bakhtine sur Rabelais et l’esprit carnavalesque, qui se joue des dominations et moque les puissants.

Comme l’avait justement rappelé France 3 dans un petit article étayé, « selon la tradition, [le paillassou] représente les soucis, les mauvaises choses de l’année passée. Donc on l’envoie loin, le plus loin possible pour passer à autre chose dès janvier et oublier ses malheurs. A Nice, c’est une tradition. Lou paillassou est l’un des trois personnages traditionnels du Carnaval. Son nom viendrait de l’italien pagliaccio, qui veut dire le clown ». Quant au masque de Macron (dont, nom, le nez n’est pas « crochu », simplement long, comme du reste sur absolument toutes les caricatures qui sont faites du président), n’importe qui pourra s’en procurer facilement sur internet, et ainsi se faire soi-même un paillassou à ramener en manif’. Et qu’on nous permette de clôturer ici cette polémique ridicule.

Après cette joyeuse marche, nous voilà arrivé sur la place de la République. Elle est déjà noire de monde, des concerts ont commencé. Une gigantesque scène prend place à deux pas de la statue, drapée aux couleurs ukrainiennes. Deux écrans géants, un grand bras de caméra qui traverse la foule, des murs d’enceintes. Le dispositif est impressionnant, mais à la hauteur du monde présent. La place déborde. Les drapeaux flottent dans le vent.

Les premières prises de parole reviennent aux députés qui ont chacun leurs thèmes, François Ruffin, Alexis Corbière, Danièle Obono, Mathilde Panot … Un thème par personne, certains les rêvent déjà en ministres. Puis Jean-Luc Mélenchon arrive sur scène pour prononcer son discours. Toutes les grandes thématiques de son programme sont évoquées : écologie, pouvoir d’achat, éducation… Puis il affronte les idées et réformes (en cours et à venir) de Macron allant vers “l’autonomisation” des lycées, collèges, primaires et facultés, et réaffirme son opposition à la privatisation des savoirs. Il parle aussi de la souffrance au travail, et de la précarité grandissante, ce à quoi il répond notamment par la retraite à 60 ans, et la revalorisation des salaires qui apparaissent comme ses mesures sociales phare. Lorsqu’il parle d’écologie, il relie les humains aux non-humains, et décrit les changements auxquels nous allons être confrontés.

Puis il attaque longuement le président en exercice, candidat à sa réélection, sur toutes ses réformes autoritaires et liberticides, et rappelle les chiffres de la répression policière pendant le mouvement des Gilets Jaunes, et l’ampleur du fichage (30% de la population) … Ces paroles sont ponctuées de petites touches humoristiques, et il reprend comme à son habitude la foule criant « Jean-Luc ! », « ne criez pas mon nom ! », en signalant qu’il le connait déjà et en invitant à scander « Union Populaire ». Au loin, on aperçoit une grande banderole sur laquelle est inscrit en lettres gigantesques : « HYDROLIENNE », en référence à une blague de Usul et Ostpolitik dans Ouvrez les Guillemets.

Il finit son discours de façon poétique, et explique à l’assistance qu’il s’est passé quelque chose de très important pendant son discours : il est 16h30 passées, et l’équinoxe de printemps vient de se produire. Le printemps terrestre nous conduit tout droit vers le printemps des peuples, affirme-t-il. Sous ce beau soleil, tout le monde y croit au moins un instant, conquit. Voilà bien la puissance d’un meeting politique réussi, et qui redonne espoir et sourire un moment. Autant en profiter, demain sera peut-être moins rose.

Mais de tout ceci, étrangement, il n’en sera guère question dans les médias dominants. Sans doute avaient-ils piscine.

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Pendant ce-temps-là, à Nice, nous marchions en mémoire de Teresa Maffeis, la lutteuse en vert, décédée il y a peu. Pendant que notre paillassou pantaï niçois terrifiait la bourgeoisie parisienne, nous défilions, tout de vert vêtus, au son des batucadas, dans les ruelles du Vieux-Nice, commémorant, en ce « jour des Sentinelles », la beauté et la joie qu’il y à lutter et faire la fête, toujours les deux ensemble.

Teresa se serait sans doute bien marré de voir la polémique suscitée par notre cher paillassou, elle qui aimait tant remuer son monde, l’air hilare, en usant des bonnes vieilles méthodes du « pantaï ».

Par la Grande Timonière (à Paris) et Macko Dràgàn (à Nice)

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