Pour saluer l’arrivée de G. Kasbarian, porteur de la sinistre « loi anti-squat », comme ministre délégué en charge du Logement, donnons la parole à ceux que cette nomination, entre autres, piétine : les sans-abris. Leur quotidien, leurs déboires avec la police, le précieux soutien du voisinage (ou pas), le sentiment d’exclusion qu’ils éprouvent… Un reportage exclusif de Mouais et Télé Chez Moi.
Dès l’annonce de l’arrivée de Guillaume Kasbarian, qui avait initié la « loi anti-squat » de sinistre mémoire, les réactions dévastées n’ont pas manqué de pleuvoir de la part des associations défendant les mal- ou pas-logés, Eddie Jacquemart, président de la Confédération nationale du logement, annonçant ainsi par exemple sur FranceInfo : « J‘aurais préféré qu’il n’y ait pas de ministre ». C’est dire si les temps à venir s’annoncent compliqués.
D’autant que la situation est d’ores et déjà catastrophique, malgré, on s’en souvient, cet incroyable morceau de pensée complexe™ et d’Humanisme-en-Marche (H&eM) : « La première bataille, c’est de loger tout le monde dignement. Je ne veux plus, d’ici la fin de l’année, avoir des femmes et des hommes dans les rues, dans les bois ou perdus. C’est une question de dignité […] Je ne veux plus de femmes et d’hommes dans les rues ».
Décidément étranger à tout sentiment de honte, notre monarque grand-bourgeois avait par la suite déclaré qu’il ne parlait pas de tous les sans domicile fixe, voyons, mais précisément des demandeurs d’asile, et de notre côté nous ne voyons pas du tout ce que ça change, parce que sans-papiers ou pas, la rue elle s’en tamponne, elle te tue, te broie, t’épuise, sans distinctions d’origine –et c’est d’ailleurs là son seul point commun avec le Macronisme.
Il y a dans notre pays 4 millions de personnes mal logées et 330.000 personnes sans-abris. Il y a quelques temps de cela, nous avons voulu leur donner la parole.
Nous sommes allés à la rencontre de personnes vivant dans la rue à Nice pour qu’elles nous parlent de leur quotidien, de leurs déboires avec la police, des précieux soutiens du voisinage, et du sentiment d’exclusion qu’ils éprouvent.
Nous sommes allés voir José, sans-abri, et sa bande de potes. Jets de javel, brimades policières, mobilier urbain anti-SDF, leur vie n’est pas tendre ; heureusement, reste la fraternité de la rue : « ils nous ont unis dans notre malheur », disent-ils joliment.
La rue, Julien, lui, l’a connu pendant plus de dix ans, mais il n’y est plus, il s’est trouvé une chambre, « grande comme ma cellule aux Baumettes », dit-il en riant, car oui, il a connu la prison pour… jet de briquet sur le scooter d’un flic qui le virait du trottoir. Mais même logé, sa vie reste difficile. Pour certains, des milliards, c’est rien. Pour lui « 12 balles ! » pour un ciné, c’est déjà beaucoup trop.
Ou encore l’ami Barby, qu’on appelle ainsi à cause de sa grande barbe rousse et soyeuse, qui, au moment du reportage, partageait son coin de porche avec toutes celles et ceux dans le besoin, toutes celles et ceux qui avaient trop froid, qu’il invitait à venir partager un coin de matelas, une couette, un coussin, un repos, une bouteille, un éclat de rire. Quelques jours avant notre entretien, c’est une femme enceinte qui était venue les rejoindre, fuyant le froid mordant.
Des témoignages émouvant, parfois rudes. Car ainsi est la rue. Mais à entendre et à partager massivement, dans l’espoir qu’ils arrivent au oreilles du pouvoir, tant il est vrai, comme l’a dit l’Abbé Pierre, que « gouverner, c’est d’abord loger son peuple ».