Le carnaval indépendant du Vieux-Nice, le Babazouk, a rassemblé jusqu’à 200 personnes. Une réussite, sous un soleil d’hiver radieux. Récit et photographies par Edwin Malboeuf.
Samedi 26 février, 15h04.
Rendez-vous était donné quatre minutes auparavant. Nous sommes trois, sous les arcades des Ponchettes face à la mer. Soleil d’hiver radieux qui réchauffe le corps et le cœur. Petit char sur roulettes confectionné par des amis. Bières dans le sac. Tout y est. Sauf… des gens. On se dit que le carnaval indépendant n’intéresse plus personne, pas même nos potes. Seul celui organisé par la Ville est capable d’amener les badauds, pas plus effrayés que ça par les mètres de queue avant de se faire scanner, fouiller, palper, sonder, sous le regard des flics et des militaires par centaines, armes en main. Mais petit à petit, cela débarque de tous côtés. On croise quelques minois connus. La batacuda Abertura arrive, avec ses musiciens grimés en clowns.
Il est bientôt 16 heures, et nous voilà rassurés : les arcades sont remplies. Dès que les percussions s’élancent, le pouvoir du rythme cadencé opère, une foule se presse, venue du bord de mer, et s’approche. Et nos visages s’illuminent. Ce n’est pas tant de se conforter dans un événement qui prend. C’est surtout car pour nous, ces moments représentent des victoires politiques. Petites certes. Mais la réappropriation de l’espace public selon nos desideratas se niche au cœur du combat. La rue est à nous, et on veut le faire savoir. Victoire qui n’est pas totale pour autant. Avant le départ du cortège, deux policiers des Renseignements territoriaux viennent à notre rencontre (fort sympathiques au demeurant, toujours surprenant pour être relevé) pour nous prévenir des arrêtés préfectoraux bloquant l’accès à certaines rues de la ville. Néanmoins, notre carnaval se concentre sur le quartier du Vieux-Nice, le Babazouk, et nous n’avions pas prévu d’aller dans les rues nommées. Il n’empêche, la ville n’est pas encore tout à fait à nous.
Des effarés, des enfarinés
Alors qu’on s’enfonce dans le Vieux Nice en passant par le cours Saleya, des familles nous suivent, des touristes, des passants, des sans-abris et leur carriole. Le thème choisi cette année est « Comme des bêtes ». Notre petit char à roulettes déborde de peluches d’animaux qu’on se jette à la figure, ou en cloche, et qui amuse beaucoup les gamins présents. On croise des faces de commerçants effarées devant des gueules enfarinées comme les nôtres. On ne sait pas trop ce qui les épouvante autant. L’irruption de vie dans des ruelles normalement atones, sans doute.
En tête de cortège, la batucada continue de tonner. Derrière, les platines du DJ BAB’s souffle de l’électro. Et l’on se rend compte que la rue Mascoïnat est pleine. On dénombre 200 personnes selon les organisateurs (selon nous), et on ne sait pas selon la police, car tous réquisitionnés pour rassurer le bourgeois à quelques centaines de mètres de là. La fête est belle. Petit à petit, le soleil vient à se coucher, on continue de danser et pogoter place Rossetti. Non loin de là, place Masséna, le roi du Carnaval de la mairie brûlera bientôt sous les yeux des spectateurs ayant payé leur place, allégorie de la bêtise ambiante pour une fête gratuite et populaire par excellence. Ou pour d’autres qui tenteront d’apercevoir la scène derrière des paravents opaques noirs.
S’ils avaient su, ils étaient bienvenus chez nous. On leur dit à l’année prochaine.