Pierre-Emmanuel Barré est un humoriste, que beaucoup ont découvert sur Inter en -1 avant Macron, le « banquier sous acide ». Il a quitté l’antenne suite à son appel à l’abstention au second tour opposant (déjà) Le Pen et Manu. Nous avons parlé avec lui de fin du monde, d’élections, et du quinquennat qui s’achève : « C’est pas un bilan, c’est un casier judiciaire ».
Mačko Dràgàn : Cher Pierre-Emmanuel Barré, pouvez-vous vous présenter brièvement, pour l’accroche de cet article ?
Pierre-Emmanuel Barré : Avec plaisir. Alors je me présente, Pierre-Emmanuel Barré, écrivain, comme Victor Hugo et Marlène Schiappa, mais également humoriste, comme Pierre Desproges ou Marlène Schiappa.
MD : « De toute façon, c’est trop tard, on est foutus […]. Le futur se planifie comme un départ en vacances, mais visiblement, les valises ont été faites au dernier moment par une femme en fin de cycle et notre villégiature s’annonce dramatique […] Famines, inondations, canicules, incendies géants, choisissez votre préféré, on va tous crever », écrivez-vous. On sera sans doute d’accord pour dire que toute personne qui cite pour la énième fois la citation « rire de tout etc. » de Desproges mérite d’être transformée en écharpe de Christophe Barbier, donc je demanderai plutôt : peut-on rire pendant la fin du monde, et comment ?
PEB : Bien sûr, c’est même conseillé parce que ça va prendre du temps, et si on a rien à faire, on va se faire chier.
En revanche, ne le prenez pas mal, ce qui est déconseillé, c’est d’essayer d’être rigolo en posant des questions, parce que c’est un métier.
Et puis une question marrante, même quand c’est réussi, c’est raté parce que ça n’appelle pas de réponse. Si par exemple je vous demande : “Sachant que l’intestin d’un être humain fait 8 mètres, est-ce qu’en une journée, un cheeseburger parcourt plus de chemin que le gros qui l’a mangé ?” peu importe ce que vous me répondez, tout le monde s’en fout.
D’ailleurs vous voyez, je n’ai absolument pas répondu à votre question
MD : C’est aujourd’hui l’heure du bilan du quinquennat Macron. Alors, comment ça s’est passé, ces cinq ans ?
PEB : Eh ben force est de constater que j’avais raison.
Macron a fait de la merde pendant 5 ans, il a détruit les services publics, l’assurance chomage, l’hopital, les APL, l’université, y a 10 millions de personnes en plus sous le seuil de pauvreté, 300.000 SDF, c’est pas un bilan, c’est un casier judiciaire.
Alors que si tout le monde s’était abstenu comme moi, personne n’aurait gagné, et à l’heure actuelle, on fumerait des joints en mangeant de la pastèque. La belle vie.
MD : Et vous entrez donc maintenant en politique avec un livre, « En Route ! », qui, comme souvent chez vous, mêle constats sourcés et humour trash à l’essence de térébenthine, avec des propositions très concrètes, réévaluer les énergies dites « vertes », éliminer les principales sources de pollution (1), partager le travail plus équitablement, etc. Des mesures inspirées, dites-vous en bibliographie, par internet., les Carambars, le programme L’Avenir en commun, ou encore fdgjsjqihsk : : ! hjstyau’kqlq : mla-jsdhgfklby »)çtzà, de Gilbert Montagné (je l’ai lu aussi : chef d’œuvre). Vous pensez que l’humour peut (ou doit ?) être une force de proposition ?
PEB : Non, absolument pas, je cherche pas à changer le monde, je cherche à faire du pognon. Les vidéos internet, ça rapporte que dalle et j’ai un petit garçon à nourrir.
Si vous avez un tout petit peu d’affection pour les enfants, vous devriez acheter mon livre pour que je puisse lui donner à manger.
Et si vous avez énormément d’affection pour les enfants, vous devriez acheter le livre de Gabriel Matzneff.
MD : « À chaque scrutin local ou national, tous les candidats seront réunis, puis enfermés dans une pièce avec des objets contondants afin que le meilleur tue tous les autres. Ensuite, on ouvre la porte, on regarde qui est le meilleur, on lui dit « bravo ! » et on le tue à son tour », et ce afin de se « débarrasser de ces dangereux prétentieux », proposez-vous. Cela sonne très anarchiste (le terme n’apparait cependant pas dans votre livre) ; comment vous situez-vous par rapport à cette pensée politique -ou par rapport à toute autre pensée politique ?
PEB : C’est les candidats qui me posent problème ! Je suis pas du tout contre l’application d’un programme politique.
Une campagne électorale, ça devrait se cantonner à une dizaine de programmes distribués gratuitement, et pas à un spectacle absurde de petites phrases et de communication débile.
Si les gens lisaient les programmes, Macron serait à 1% d’intention de vote et Mélenchon à 90%.
Alors attention hein, je suis pas fan de Mélenchon, ni de personne d’ailleurs. Pour vouloir être le chef de tout le monde, faut être le dernier des sociopathes.
C’est pas à une élection qu’il doivent se présenter, c’est à un psychiatre.
MD : « Ma carte électorale, elle est comme la femme de Macron, ça fait longtemps qu’elle a plus de tampons », disiez-vous dans une chronique pour Inter en janvier 2017. Quand ce numéro va sortir, nous serons quelques jours avant le premier tour de la présidentielle ; maintenez-vous aujourd’hui, dans un contexte tout de même très particulier, cet abstentionnisme revendicatif ?
PEB : Je sais pas encore ce que je vais faire, mais non seulement c’est pas intéressant, parce que je veux pas faire de prosélytisme, mais surtout, c’est pas important.
Au risque de vous décevoir, on a statistiquement plus de chance de se faire tuer par un aigle transgenre sur la route du bureau de vote que son bulletin ne change quelque chose au résultat final de l’élection.
MD : Vous avez déclaré compter la Conjuration des imbéciles de John Kennedy Toole (3) parmi vos livres préférés ; quand les têtes nucléaires nous seront tombées dessus et que tout sera enfin terminé, quels autres livres conseillerez –vous aux lectrices et lecteurs survivant.e.s d’emmener dans leur abri antiatomique (ou leur île paradisiaque privée/leur station spatiale, si Jeff Bezos nous lit) ?
PEB : C’est terminé pour moi, les conseils littéraires, je ne conseille plus que mon livre à moi. Tous les autres auteurs sont assez médiocres. Et j’ai besoin d’argent pour nourrir mon fils, alors que Victor Hugo, ses enfants sont déjà tous morts, alors a quoi ça sert d’acheter ses livres à lui ?
Vous laisseriez dépérir un enfant vous ?
Moi non. Alors achetez mon livre.
MD : Question courte, pour conclure : tout est-il vraiment foutu ? Il y a une lumière au bout du tunnel, où c’est juste les gyrophares des flics de Darmanin qui viennent nous tabasser ?
PEB : Non, bien sûr, il n’y aura aucune lumière au bout du tunnel tant que vous continuerez à faire des blagues dans vos questions.
Tout est foutu, alors inutile de mettre de l’argent de côté.
Allez à la librairie la plus proche et achetez deux exemplaires de mon livre, comme ça, vous pourrez le lire deux fois.
Des propos recueillis par Macko Dràgàn
Cet entretien est tiré du Mouais #27, actuellement en kiosque, abonnez-vous ! la presse libre a besoin de vous.
L’actu de Pierre-Emmanuel Barré :
Livre “En route ! Mon projet pour sauver la France” (chez Marabout éditions) dispo dans tous les points de vente depuis le 12 janvier
Journal de campagne sur sa page youtube (il commente l’actu politique 2 fois par semaine pendant toute la campagne présidentielle)
Actuellement en tournée avec son spectacle “Pfff… Une conférence de Pierre Emmanuel Barré” et au Zénith de Paris le 21 Janvier 2023
(1) Avec une proposition audacieuse : « Détruire la Chine et les États-Unis : […] peindre les Chinois en noir pour que les policiers américains leur tirent dessus ; déguiser les Américains en Ouïghours pour que les Chinois les stérilisent ».
(2) Un roman dont la traduction en français, bâclée à la truelle (date de parution originale : 1980. En français : 1981. C’est souvent mauvais signe.), est pas top top ; à lire plutôt en anglais, donc, si vous le pouvez, même si les chefs-d’œuvre survivent à tout, même à une mauvaise traduction.
Crédit photographies de Pierre-Emmanuel Barré : Magali Ruelland