Cher monsieur Pfizer, je vous écris ce jour parce que je ne suis pas du tout satisfait par votre prestation. Il y a deux ans, on se prenait une grosse gifle microbienne, et il y a un an, vous proposiez votre vaccin aux pays riches comme le mien (moi-même n’étant pas vraiment riche) ; il devait nous sortir du marasme, des couvre-feux et des confinements, ça devait surtout empêcher l’économie de se gripper et nous aider à retrouver une vie sociale, un monde d’après. Aujourd’hui, je dois vous dire que je suis assez désappointé par votre bilan.

C’est vrai, je dois vous l’avouer, à la base je ne vous faisais déjà pas trop confiance puisque des associations américaines (Public Citizen ou Good Jobs First) avaient fait la liste de toutes vos condamnations : des milliards de dollars à débourser pour avoir trompé les autorités sur la sécurité de vos produits, pour des valves cardiaques défectueuses, pour la surfacturation de certains de vos médicaments, pour non-respect des droits humains en ayant testé des antibiotiques sur des enfants nigériens, pour non-respect de l’environnement, pour la promotion de produits non approuvés par l’administration américaine, pour des pratiques commerciales frauduleuses, pour les effets secondaires cachés d’un anti-inflammatoire, pour des affaires de corruption… (« Le groupe Pfizer a-t-il été condamné par le passé à des milliards de dollars », liberation.fr, 6/01/22). Une méfiance légitime donc.
Tous vaccinés, tous protégés ? C’est ce que clamaient les autorités pour qui les masques étaient inutiles peu auparavant, les médecins de plateaux télé, et tous les convaincus pour qui votre vaccin était l’unique solution à cette pandémie. Certains proposaient bien d’autres stratégies complémentaires comme la société du roulement, les épurateurs d’air, la réquisition d’entreprises produisant les fameux masques FFP2, un pôle public du médicament, et plein d’autres trucs, notamment de s’attaquer aux causes de l’épidémie : les élevages concentrationnaires qui favorisent les zoonoses (maladies ou infections qui se transmettent des animaux à l’homme). On nous annonce à présent que, même si on arrive à la fin de cette pandémie, d’autres lui succéderont car on favorise leur apparition avec nos appétits carnivores de poussins broyés dans des fermes de mille vaches, ou l’inverse. C’est un peu comme vouloir éradiquer les poux en engageant des chevelus moustachus qui écoutent The vermines (groupe punk de Rouen).
Ces solutions complémentaires étaient donc inutiles pour beaucoup de représentants élus parce que vous alliez nous protéger. Sauf que, Monsieur Pfizer, je suis vacciné et j’ai été malade. Et j’apprends que je n’étais protégé contre le dernier variant qu’à 33%, donc deux chances sur trois d’être victime du virus, même pas cinq mois après ma deuxième dose. Ben ce n’est pas ce que j’appelle une prouesse, je me dis qu’un verre d’eau chaude et du miel auraient été aussi performants, ou bien un joint chaque soir avant de me coucher (je dois dire que ça n’a pas marché non plus). Et mes concitoyens sont logés à la même enseigne croix-verte-qui-clignote, à l’hôpital comme à l’école, pour celles et ceux qui bossent dans les supermarchés, pour les cantonniers, les pharmaciens, les routiers ou les ouvriers du bâtiment. Et comme nous sommes tous malades, toutes les chaînes d’inter-dépendances se brisent et les sociétés se grippent, grippe aviaire bien sûr (sans vouloir jouer les Cassandre).

Des pénuries de partout Monsieur Pfizer !

Pénurie de matériaux, du puces électroniques, de bois, de papier, pénurie de main d’œuvre dans l’agroalimentaire, l’hôtellerie, la restauration, l’industrie, l’automobile, la métallurgie… on est à deux doigts de la disette, et du collapse ! Tous les secteurs sont touchés, avec des problèmes d’approvisionnements qui vont concerner 7 sociétés sur 10 en 2022 (étude du cabinet AgileBuyer et le Conseil national des achats, 11/01/22). Le bordel quoi ! Même le beurre devient une rareté !
Votre vaccin, on a été obligé de l’avaler, avec intimidations et insultes à la clé, pour un résultat plus que piètre au final. Pourtant, il y a un organisme quand même assez connu, l’Organisation mondiale de la santé, qui disait qu’il fallait convaincre et non contraindre, et qu’il fallait surtout vacciner les plus vieux et plus fragiles d’entre nous. L’OMS ne préconisait pas de tordre le bras au gens et d’envoyer les flics tabasser les méfiants, comme aux Antilles, ni de renvoyer ou dégoûter les soignants, ni de créer une société du contrôle avec des arguments et des méthodes de bourrins autoritaristes. Bon ça, c’est vrai, ce n’est pas votre entière faute Monsieur Pfizer, d’autres ont profité comme vous de cette stratégie du choc pour tirer leur épingle du jeu, en théorisant même leurs manœuvres d’emmerdement des citoyens, malgré une pénurie de papier toilette déjà annoncée.
Alors, comme on voit bien que tout miser sur votre vaccin ne fonctionne pas (on peut se le dire maintenant que vous avez rempli vos tiroirs-caisses), ben la grande idée est de nous contraindre à nous vacciner encore plus, éventuellement avec un nouveau produit que vous avez élaboré vite fait dans votre laboratoire sous-terrain tout en caressant votre chat, et qui sera disponible en mars. Et un passe vaccinal imaginé par des têtes grises pour nous inciter à vous faire confiance. C’est bien connu, quand un truc ne marche pas, autant essayer de faire toujours plus de la même chose. Bon, étant donné que j’ai été malade de la Covid ce mois-ci, j’ai quelques mois pour réfléchir à la confiance que je vous accorderai pour ma nouvelle dose, un peu poussé dans le dos par mon gouvernement qui me privera de mon emploi si je ne me laisse pas faire. Et en fait, ce délai de réflexion m’ouvre les yeux : je me dis soudainement que je vous ai certainement mal jugé.

S’en remettre à la loi du marché

En effet, grâce à vous et à votre produit déifié par beaucoup de nos dirigeants, on découvre que s’en remettre à la loi du marché et au capitalisme pour nous sortir de la merde équivaut à croire que la banquise va se reconstituer toute seule, juste parce qu’on le veut, sans même tenter de ralentir le réchauffement climatique : des pingouins et des ours de dessins animés vont sûrement reglacer tout ça en chantant Ce rêve bleu. Attention, je ne dis pas que votre vaccin n’a pas sauvé des vies, il semblerait que cela soit le cas, mais tout miser sur cette croyance scientiste apparaît aujourd’hui n’être qu’un délire collectif de plus, comme la croissance sans fin avec des ressources limitées.
Ce n’est pas vous et vos amis, Monsieur Pfizer, qui empêchez en ce moment la société de s’écrouler, c’est la débrouille des travailleurs, la démerde des profs, l’investissement des plus précaires des travailleurs, mais tout cela ne tient plus qu’à un fil de nylon largement pas aussi robuste qu’une giclée spidermanienne. Je lis que Macron a fait fermer 17900 lits d’hôpital en 5 ans, il pensait sûrement qu’un super-vaccin allait nous guérir d’à peu près tout, j’en sais rien, mais actons qu’il n’a pas grossi les troupes sensées se battre dans sa guerre. Je découvre également que six cent mille personnes en France sont sur le point de perdre leur passe car ils n’ont pas leur troisième dose, hop éjectées des bars et cinémas alors qu’elles ont joué le jeu pendant un an et se disent qu’au départ, le contrat n’était pas de se faire piquer tous les six mois avec un vaccin de moins en moins performant. Les vaccinés d’aujourd’hui sont les non-vaccinés de demain, espérons qu’ils ne soit pas jetés à la mer après-demain. Oui, je vous jure que certains y pensent sérieusement.
En plus, Monsieur Pfizer, l’OMS recommande à présent cinq traitements différents contre la Covid, tels des anticorps de synthèse, des corticoïdes, ils sont efficaces et permettraient de se passer de votre vaccin. Mais nos gouvernants s’entêtent, c’est votre produit ou le ban. C’est pour nous emmerder ou bien pour créer notre malheur à coup d’interdictions ? On se le demande en pensant aux concerts auxquels on n’assiste plus, aux empêchements de se rassembler dans nos rues, d’ailleurs l’OMS dit qu’à l’extérieur il n’y a que très peu de chances d’être contaminé, encore un non-sens volontaire. Mais donc, j’en étais à vous congratuler, oui parce que j’ai compris un truc !

Faisons nous-même notre malheur

Quand j’étais étudiant, j’ai lu certaines œuvres de Paul Watzlawick, psychologue et sociologue américain du siècle dernier. Notamment un bouquin qui m’a marqué : « Faites vous-même votre malheur » (1983) ; « Une idée, pour peu qu’on s’y accroche avec une conviction suffisante, qu’on la caresse et la berce avec soin, finira par produire sa propre réalité ». Un peu comme si on nous racontait à longueur de journée que les musulmans sont dangereux, certains finiraient bêtement par le croire. Ou comme si on nous disait que Taubira et Hidalgo sont de gauche, que la remontada a le vent en poupe et que Jadot est écologiste. En d’autres termes, si BFM nous disait chaque jour que les canards éloignent la Covid, au bout d’un moment chaque français adopterait un canard, et conspuerait les égoïstes anti-canards. Une sorte de pensée magique qui entraîne nos remarquables élites à prescrire toujours plus de vaccin, de restrictions des libertés, de prohibition de la musique et de la danse… Nous isoler, nous séparer serait la solution, une solution que l’on accepte finalement assez docilement puisqu’on nous la martèle.
Watzlawick décrit les moyens dont on dispose pour rendre (et se rendre) malheureux : exiger trop des gens (et de soi-même), ce qui entraîne forcément un sentiment d’échec, et se montrer pervers par le biais de la culpabilité, d’injonctions paradoxales, de contrordres, de protocoles scolaires changeants par exemple, qu’on n’appliquera jamais assez bien (en admettant qu’ils soient compris). On nous offre tous les outils pour nous éloigner du bien-être, pour que l’on se sente confus, en perte de repères et de boussole, boussole sensée être incarnée par le président, garant de l’intérêt général. Et la santé générale ? L’OMS, encore elle, définit la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ». Il semble que selon cette définition, nous ne sommes collectivement pas en bonne santé Monsieur Pfizer, malgré vos produits, malgré vos bénéfices records, malgré vos prochaines innovations.

Un an après, votre vaccin nous a rendu sociétalement malades

Un an après, votre vaccin nous a rendu malades, sociétalement malades puisque notre collectif humain organisé se délite, part en couilles en nous atomisant, en nous isolant, en nous empêchant de festoyer, en nous mortifiant. On nous explique que tout est de la faute des non-vaccinés : cinq millions de nos compatriotes qui craignent des effets indésirables, ou bien simplement qui n’ont pas eu accès à l’injection car ils sont dans des déserts médicaux, ou vivent seuls, parfois handicapés, dans des zones rurales, sans médecin traitant, avec peu de liens sociaux. Le profil type du non vacciné est la personne âgée isolée. Des citoyens à qui l’on menace de couper les aides sociale, l’assurance chômage, ou de ne plus les accueillir en réanimation le cas échéant, parce qu’ils seraient irresponsables. Certains proposent de les tondre, de les mettre à la rue ou dans des camps, voire de les jeter dans des fosses à mygales tout en leur balançant des nids de frelons à la gueule, les écarteler et les éviscérer en les trempant dans de l’acide. Surtout le faire très vite, car nous n’avons plus le temps nous dit un porte-parole de gouvernement, pas le temps de perdre du temps, pas le temps de réfléchir, allez zou !
Donc, Monsieur Pfizer, je trouve que vous êtes en quelque sorte une allégorie de notre société suicidaire. Les solutions sanitaires qui sont mises en œuvre au forceps, avec votre concours, sont des ballons Mc Donald’s gonflés dans un avion qui s’écrase, gonflés au méthane hein, histoire d’exploser avant le crash. On croit que ces baudruches vont nous élever, on y croit parce qu’on a peur, et pour que ça fonctionne nous disent les stewards, il faut rester sagement assis, muselés et attachés aux sièges, ne vous fiez pas à cette sensation de tomber, on va ralentir et se poser en douceur, non n’allumez pas de cigarette, bouuuum, voilà, la faute aux fumeurs. La faute aux pays pauvres qui viennent de refuser 100 millions de doses proches de la date de péremption, parce qu’ils auraient soi-disant besoin de temps pour s’organiser, pffff, les criminels.

Pourtant, vous faites votre boulot

Mais je ne vous en veux pas Monsieur Pfizer, même si je ne suis pas satisfait par votre prestation, ni par les espoirs que vous avez fait naître chez nos gouvernants : vous faites votre boulot, c’est à dire beaucoup de fric en un temps record. Je n’en veux pas non plus à mon président, il pense vraiment qu’en nous rendant malheureux il peut nous sauver malgré nous, et sauver l’économie évidemment ; pour lui, si on parvient à tenir droit jusqu’au boulot, et en revenir pour y retourner, c’est déjà gagné. Je n’en veux pas au Monsieur de l’Éducation nationale, ses chefs lui disent de ne pas fermer les écoles mais ne lui proposent que d’ouvrir les fenêtres pour éviter les contaminations, du coup il se prend des gnons de tous les côtés. Il est des médiocres qui font d’excellents sacs de frappe. Ah, son chef vient de lui dire de lâcher des masques et des remplaçants pour l’école, mouais attendons de voir. Il devrait ajouter quelques amulettes de sa confection parait-il. Le pauvre, il en est à distribuer des pattes de lapin.
Non, je n’en veux à personne, aussi ne prenez pas ma lettre de réclamation trop à cœur, elle ne vise d’ailleurs pas votre cœur. Et puis peut-être que vous avez déjà trouvé le moyen médical de le remplacer par des valves en silicone et un mécanisme en adamantium. Ma lettre ne vise en fait qu’à vous remercier. Merci d’être si fidèle à ce que vous représentez, une bulle de promesses qui se renversent mécaniquement une fois qu’on les a gobées, comme celle qui consistait à sauver nos libertés. J’ai presque failli y croire.
par Bob