Chapitre 1/3 : L’estrosisme est-il un médecinisme ?

Nice a récemment été déclarée patrimoine mondial de l’UNESCO. Or, ce « patrimoine », devenu donc celui de tous, inclut une solide tradition de corruption, de clientélisme et d’absence de vie démocratique, dans un territoire où une classe politique toute-puissante semble faire peu de cas des lois de la République. Tout patrimoine supposant un droit d’inventaire, il est vital que ces zones d’ombres soient connues de tous. Une enquête de Mačko Dràgàn.

16 septembre 1990. Nice-Matin titre en Une : « Jacques Médecin démissionne de tous ses mandats ». Cette annonce est accompagnée d’une larmoyante « Lettre aux Niçois », signée de la main du maire en fuite, qui se pose en martyr du socialo-communisme parisien : « Vient un jour où l’on se lasse de livrer l’inégal combat du pot de terre. Ce jour pour moi est arrivé. » Cerné de toutes parts en raison de multiples affaires de corruption, il venait en fait de décider, de façon rocambolesque, de ne pas rentrer d’un voyage officiel au Japon, s’installant dans la station balnéaire de Punta del Este, en Uruguay. Rattrapé quelque temps plus tard par la justice, il sera condamné pour « délit d’ingérence », « détournement de fonds », « abus de biens sociaux », « abus de confiance », « corruption », « fraude fiscale », déclaré « incapable, à jamais, d’exercer aucune fonction publique », et déchu de ses droits civiques[i].

24 novembre 2019. Un dimanche matin pluvieux d’automne, toute une bande de braves gens en costume est venue saluer la mémoire de l’illustre corrompu multi-condamné, mort en exil doré en 1998. L’ancienne rue de l’Opéra, dans le Vieux-Nice, est en effet renommée en son nom[ii] devant un parterre d’anciens disciples, ceux que l’on appelle encore les « bébés Médecin », dont Christian Estrosi, actuel maire de la ville, et son compère à la mairie Rudy Salles. Ce faisant, ils assument donc de se réclamer de l’héritage du « système Médecin », clientéliste et corrompu, Estrosi affirmant : « Jacquou » était un « homme hors du commun » (et il ne parlait pas d’un point de vue judiciaire). Ce même Estrosi qui avait clamé un jour, au micro d’Europe 1 : « Accepter nos lois ou les violer, il faut choisir. Français ou voyou, il faut choisir. »

Un an plus tard, novembre 2020. M. David Nakache, candidat de l’opposition aux municipales, se voit étonnamment condamné par la justice à 10 000 euros d’amende. Ayant déclaré qu’il souhaitait en finir « avec le clientélisme et la corruption à Nice », il avait été poursuivi pour « diffamation » par Estrosi. Les propos du candidat ne nommaient pas ce dernier, mais il s’était senti visé. Une façon pour lui de prendre ses distances avec l’image de marque de son bien-aimé mentor ?

Septembre 2021. Un jeune journaliste prolo-punk (moi-même) arpente, bière à la main, clope au bec et crête au vent, la fameuse rue Médecin, laissant derrière lui la disgracieuse statue du grand Poséidon tout nu de la fontaine Masséna. Passant entre les étals des glaciers, j’arrive devant la terrasse du restaurant chic situé à l’angle, la Petite Maison, établissement phare de l’Estrosie, celui où le maire fête toutes ses victoires et dont je reparlerai plus loin. J’arrive dans les ruelles ombragées de ce Vieux-Nice que je connais par cœur, pour m’y être baladé des heures et des jours durant, et me dirige vers ma Petite Maison à moi, le Diane’s, au cœur du Babazouk. La fin de l’été approchant, l’air est plus frais, et les touristes se font plus rares. On peut respirer –et j’en profite en exhalant une grande bouffée de tabac.

Une fois arrivé au bar, ma pinte commandée, je cherche des yeux en terrasse quelqu’un qui pourrait ressembler à celui avec qui j’ai rendez-vous. Un homme qui, quelques jours plus tôt, m’a écrit pour proposer de se rencontrer, tout en craignant, dirigeant des boites liées au BTP, que mon anarchisme invétéré ne fasse frein à cette proposition : « Je suis sur le papier ce que vous combattez peut-être ». L’ayant rassuré sur le fait que je peux voir un patron tout en restant cordial, nous convenons d’une date pour parloter dans mon troquet favori, et me voilà donc en train de quêter le premier type en costume que je verrai passer dans les parages. R. (nous l’appellerons ainsi) arrive rapidement, et, surprise, j’ai devant moi un gars à la cool, d’à peu près mon âge, en T-shirt de chantier, bermuda et baskets.

Nos discussions, et un portrait un peu plus conséquent de mon nouvel ami, feront l’objet du deuxième chapitre de cette enquête. Pour le moment, R. est venu me remettre un livre, dont il m’avait dit qu’il était susceptible de m’intéresser. Un bouquin écrit par un rescapé du médecinisme, bien décidé à tout balancer sur notre cher Estrosi, qu’il déteste cordialement –nous verrons pourquoi.

L’ouvrage, auto-présenté comme un brûlot et édité à compte d’auteur sur Amazon, est titré « Nice, les origines du mal », rien que ça. Allumant une clope, je le feuillette ; il s’ouvre par une citation de Fénelon : « la corruption et les corrupteurs sont les pestes du genre humain », ce qui ne manque pas de piment. L’auteur, qui se définit comme un « engagé en politique depuis 1979 chez les jeunes giscardiens, puis auprès de Jacques Médecin, [qui] a connu l’ensemble du personnel politique niçois », signe Jean-Jacques Ciais, mais il n’est guère difficile d’y reconnaître un homme qui est aujourd’hui consul honoraire de Djibouti à Monaco, et qui, de ce qu’on m’en a dit, passe désormais ses vieux jours à ressasser sa nostalgie de sa splendeur passée en compagnie notamment de Jean-Claude Pastorelli, autre notable déchu du médecinisme.

De retour chez moi, le chat sur les genoux, stylo à la main, je me lance dans la lecture du petit livre, qui sera terminée une heure plus tard, tant la police d’impression est énorme. Bilan : écrit avec les pieds, dénué du moindre début de mise en page, farci de coquilles, et truffé de copiés-collés honteux d’articles glanés sur le net et non crédités, le bouquin ne vaut pas le papier sur lequel il est imprimé. Cependant, il demeure un document intéressant, au sens où il brosse, même avec beaucoup de maladresse, et sans doute une bonne dose de mauvaise foi, une sorte de fresque, dépeinte de l’intérieur, de ce que fut le médecinisme, avec ses excès et son mauvais goût, ses figures, ses embrouilles, ses magouilles. Ce temps où Nice apparaissait sous les traits d’une improbable Chicago méditerranéenne ; où les milieux d’affaires vivaient en totale consanguinité avec les sphères du pouvoir.  « Amitiés douteuses, interventions suspectes, fraudes fiscales, évasions douanières, affairisme obsessionnel, ingérences répétées », mais aussi « guerre des casinos, guerre des gangs, disparitions inexpliquées, exécutions sommaires, règlements de compte, « casses du siècle », évasions spectaculaires, incendies criminels, explosions liées au racket » [iii] : c’est ce qu’était le médecinisme.

Et le livre se fait bien l’écho de tout ça, de cet univers où régnait « Jacquou », ce moustachu grande gueule qui inspira semble-t-il le « Beauf » de Cabu. Ses soirées délirantes du clan Médecin au Grand Escurial, une boîte de l’époque. Ses intrigues de cour autour du maître de la mairie. Et tout ce petit monde crapuleux qui gravite dans les parages : le milieu du Vieux-Nice, où trônait notamment « Monsieur Maurice » ; Marcel « la salade » (Marcel Giordanengo), maraîcher aux pratiques mafieuses vivant, écrit Ciais, dans une « Ferme » « décorée de balustres, de pompes à essence et de matériel agricole d’avant-guerre, d’un flipper et d’une statue de la vierge », où « il recevait une à deux fois par semaine tout ce que le département comptait d’hommes influents, fonctionnaires, politiques, entrepreneurs et même gens de la nuit ».

A la fin du livre, sorte de constat apocalyptique des échecs supposés de l’estrosisme, une question demeure cependant : pourquoi l’auteur en veut-il autant au maire actuel ? Son idée fixe est celle-ci : « Pour ceux qui ont connu les années d’avant, quelle tristesse ! » Mais quand on regarde ce qu’il admire chez « Jacques » et ce qu’il déteste chez Estrosi, difficile, en vérité, d’y voir une grande différence, tant leur pratique du pouvoir semble similaire, et impliquant en outre de nombreuses figures communes. Dont Ciais lui-même, certes, ne fait pas partie. Là est sans doute, tout simplement, les raisons de sa colère : ne plus avoir accès au gâteau du « cash-flow » qu’il a si longtemps partagé au côté des fidèles de l’ancien maire. Et dont seuls les fidèles du nouveau maître des lieux peuvent, désormais, profiter.

Et c’est bien ça qui a constitué le début de ma réflexion. Car oui : si Nice ne ressemble heureusement plus à la Chicago qu’elle était, « Jacquou » vit encore en ceux qui se réclament de son héritage, et l’estrosime est bel et bien un médecinisme ; les pratiques politiciennes douteuses locales faisant elles aussi partie, hélas, du package « patrimoine de l’UNESCO » de la ville. Ce que cette enquête va s’efforcer de démontrer, en commençant par décrire le parcours atypique de notre cher maire. Alors, enfourchez la DeLorean, et revenons ensemble au cœur des années 70.

Estrosi : itinéraire d’un pur « bébé Médecin »

C’est dans l’ambiance décrite ci-dessus que le jeune et très chevelu Christian Estrosi, le « motodidacte » (il a abandonné le lycée pour faire carrière dans la course) issu d’un milieu modeste, prospère, tirant bien vite parti des réseaux d’influence de la ville –ce qui contrevient fortement au discours de celui qui aime à répéter qu’il « s’est fait tout seul ». Élu pour la première fois à 28 ans après avoir été repéré par « Jacquou », il ne quittera en fait par la suite plus le sérail, et n’a jamais travaillé dans un autre domaine, la vie politicienne devenant très tôt son activité à plein temps et lui assurant un train de vie confortable.

Toute sa carrière durant, et dès ses débuts, « bébé » Estrosi aura en fait vu se succéder de très nombreuses fées sur son berceau. Les premières d’entre elles furent Charles Pasqua[iv] et Michel Mouillot, ces deux-là faisant partie de Pernod-Ricard, marque pour laquelle Estrosi faisait ses courses de moto. Si on ne présente plus le premier, le second mérite également qu’on s’y intéresse, d’autant plus qu’il fut l’associé du futur maire au sein de la société de sponsoring motocycliste Speed 06, dont la vérification des comptes, entachés d’irrégularités[v], ouvre le livre de Ciais. Car Mouillot, qui fut plus tard maire de Cannes, n’est pas n’importe qui : c’est toute une idée de la Riviera. Grand maître provincial de la Grande Loge nationale française, loge qu’Estrosi intégrera à partir de 1983[vi], il est proche de Jean-Paul Renard, qui sera impliqué dans l’affaire crapuleuse dite du « tribunal de Nice », révélée par Éric de Montgolfier, procureur intraitable envoyé à Nice pour « faire le ménage », et ce notamment dans des réseaux maçonniques locaux frôlant les plus hautes cimes de la corruption organisée. Ayant entre autres demandé à des casinos cannois beaucoup d’argent en échange de l’autorisation d’installer des machines à sous, Mouillot a été condamné en 2005 à six ans de prison ferme pour « corruption, prise illégale d’intérêt, abus de biens sociaux, faux et usage de faux et emplois fictifs ». Avec une fée au CV si bien pourvu, et qui, écrit Ciais, « avait placé sa confiance dans le jeune champion », Estrosi ne pouvait partir que sur de bonnes bases.

En 1983, donc, Jacques Médecin, sa nouvelle bonne fée, souhaitant tirer profit de l’image de cet intrépide et ambitieux motard, Estrosi est élu conseiller municipal de Nice et nommé adjoint aux sports. Puis, en 1988, c’est une autre bonne fée encore, son beau-père, Jean Sassone, personnage important du clan Médecin et de la loge maçonnique locale, qui se démène pour le faire élire dans la 5ème circonscription des Alpes-Maritimes, où il a été bombardé sans aucun ancrage local. En 1989, année où il est nommé à la tête du comité RPR du département, il rencontre sa première difficulté : la fameuse affaire du « golfe de Nice ». Estrosi et sa femme Dominique sont en effet accusés du détournement, dans leur propre intérêt, de subventions publiques du Conseil général. Faisant l’objet d’une plainte pour escroquerie, le couple sera fort opportunément disculpé en raison d’un non-lieu prononcé par… Jean-Paul Renard, l’ami de Mouillot croisé un peu plus haut, comme le monde est petit, et qu’on me permette de m’écrier : « ça alors ! »

Bref, on le voit, ce qui caractérise la carrière d’Estrosi, c’est à la fois son sens aigu du relationnel bien pensé et son opportunisme –opportunisme qu’il poussera sans doute trop loin, même aux yeux des siens, quand, en 1998, pour faire barrage au socialiste Vauzelle à la tête de la région PACA, il se fait le partisan d’une alliance du RPR avec l’extrême droite de Jean-Marie le Pen. Mais ceci ne l’empêchera pas de continuer à grimper les échelons. En 2001, grâce à une énième bonne fée, Jacques Peyrat, maire d’extrême-droite de Nice depuis 1995, il prend ses aises au sein du conseil général des Alpes-Maritimes. « J’ai convaincu le président Ginesy de le nommer vice-président », aurait en effet déclaré l’ancien maire [vii]. Puis, en 2005, sa dernière bonne fée (si l’on excepte Macron), Nicolas Sarkozy, lui permet d’obtenir un poste de ministre au sein du gouvernement Villepin. Et en 2008, au terme d’une campagne type « lave plus blanc » basée sur « l’honnêteté et la transparence », parce que pourquoi pas, c’est la consécration : face à un Peyrat affaibli, il est élu maire de Nice, dans une triangulaire au second tour et avec, déjà, 40% d’abstention. Puis réélu en 2014 – avec 46% d’abstention. Il part ensuite un an à la tête de la région.

Tout ce temps, Estrosi aura incarné, dans la ligne du sarkozysme peu à peu triomphant, la « droite bling-bling » dans toute sa splendeur, enchaînant les polémiques douteuses et les affirmations à l’emporte-pièce, ruinant la région PACA, alors qu’il en était président, en frais d’hébergement[viii] dans des hôtels de luxe – 5000 euros en un mois !-, ainsi que l’avait révélé Mediapart[ix] (qui avait déjà attiré l’attention sur les nuits en 4 étoiles du maire, aux frais de la ville), ou, tandis qu’il était ministre, ainsi que l’avait rapporté le Canard enchaîné, quand il s’est offert, sur les deniers publics, un voyage en jet privé pour 138.000 euros, simplement pour assister à un pot entre sarkozystes. Devenu plus macroniste et moins « bling bling », il est réélu à nouveau en 2021 avec… 72% d’abstention, signe, peut-être, qu’on peut tromper mille personnes mille fois, mais pas… Non… Enfin, vous m’aurez compris.

Seul maître à bord

Estrosi est donc devenu, enfin, en 2008, seul maître à bord. Et le terme n’est pas excessif. S’il est en effet un autre domaine où le nouveau maire s’inscrit totalement dans les pas de son mentor, c’est bien dans la personnalisation extrême du pouvoir. Médecin, en son temps, s’il se vivait comme le monarque de la ville, partageait nombre de ses prérogatives avec une cour relativement nombreuse – telle une baronnie constituée d’un vaste ensemble de petits chefs disposés à différents niveaux. Et de même, pour être centré sur un seul maire omniprésent, l’exercice du pouvoir estrosiste est très loin d’être solitaire.

Comme l’a relevé Hélène Constanty, journaliste à Mediapart, « Christian Estrosi dispose d’un cabinet de 19 personnes au titre de la ville et de la métropole, auxquelles s’ajoutent ses trois collaborateurs parlementaires (dont un garde du corps). Des personnalités discrètes et fidèles, mobilisées 24 heures du 24, dont plusieurs se dévouent au service du patron en période d’élection »[x]. Avec notamment un but : occuper chaque parcelle, même la plus infinitésimale, du pouvoir local. Et ce pouvoir est étendu. Hélène Constanty, encore : « La métropole Nice Côte d’Azur […] est la huitième de France par la taille de sa population (545 000 habitants). Christian Estrosi règne sur l’ensemble d’une main de maître, du fait de la part prépondérante de Nice (63,5 % de la population) et grâce à son poids politique sur le conseil des maires, une instance théoriquement consultative où se prennent en réalité les grandes décisions, que le conseil métropolitain ne fait ensuite qu’entériner »[xi].

Et pour asseoir cette mainmise, le seigneur de la métropole et son équipe disposent d’une arme imparable : le cumul des mandats. Ceci commence par Estrosi lui-même, député-maire de Nice (quand c’était encore possible), président de la métropole Nice Côte-d’Azur, président du conseil de surveillance du CHU de Nice, du syndicat mixte de transport, du syndicat mixte des stations du Mercantour, et bien d’autres encore, bref de quoi s’occuper pendant trois ou quatre vies.

L’avantage de cette prodigieuse lasagne des postes, selon Constanty ? La journaliste cite Stéphane Cadiou, maître de conférence en sciences politiques à l’université de Nice : « Le cumul limite le pluralisme et réduit les incertitudes de la compétition électorale ». En clair, cela permet à un nombre limité de figures locales estrosistes de s’afficher à tous les postes, même les plus annexes, et de tirer parti des profits symboliques et matériels qu’ils induisent, notamment lors des campagnes électorales, quitte à laisser ensuite un homme de paille dévoué s’occuper des baux une fois la fonction obtenue. C’est un peu comme prendre une place gratuite à un concert juste parce qu’on a eu le plan avant les autres, et de la refiler à un pote – et tant pis pour les autres.

Et c’est ainsi que, à l’image du maire, le clan estrosiste, peu partageur, se retrouve constitué d’une palanquée d’autres super-cumulards omniprésents dans la politique locale comme nationale ; le problème étant que certains d’entre eux se retrouvent à devoir opérer des cumuls qui posent question à de nombreux points de vue.

Ainsi de Dominique Estrosi-Sassone, ex-épouse du maire, mère de ses deux filles, fille de Jean Sassone, devenue un des piliers de l’estrosisme : elle est à la fois sénatrice, adjointe au maire, conseillère départementale, membre de la mission d’information du Sénat sur l’évolution et la lutte contre la précarisation et la paupérisation, rapporteure de la mission logement pour la loi de finance 2021, et, jusqu’à très récemment, toute-puissante présidente de Côte-d’Azur Habitat, le premier bailleur social des Alpes-Maritimes, plusieurs fois remis en cause pour son manque de transparence dans l’attribution des logements, dans une ville où en outre la part des logements sociaux était en 2016 de 12,7 %., soit 12 points de moins que les 25% fixés par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) pour 2025 (ce qui fait de Nice l’agglomération présentant un des plus faibles taux de logements sociaux). Cependant, du haut de ses multiples casquettes, Estrosi-Sassone peut dire et redire qu’il n’y a pas de problème. L’attribution opaques des logements sociaux ? « Toutes les demandes se valent. Au final, le choix ne peut être que subjectif ». Fermez le rideau, et, je vous en prie, ne me reparlez plus jamais de « clientélisme » [xii].

Et comme en Estrosie les postes intéressants passent de main en main, sans quitter le cercle des copains, devinez à qui Estrosi-Sassone a refilé la présidence de Côte-d’Azur Habitat ? A Anthony Borré, recrue récente mais ô combien fidèle du clan Estrosi, directeur de cabinet du maire et vice-président de la métropole en charge de la sécurité, du logement, de la rénovation urbaine et de la politique de la ville. Celui-là même qui a récemment expulsé de son HLM la mère d’un trafiquant, et qui compte systématiser le procédé, martelant son mot d’ordre : « Pas de logement social pour les ennemis de la République ! »

Bref ; ainsi fonctionne donc le pouvoir à Nice : trusté par de très proches du maire (Marine Brenier, qui le suit depuis son adolescence, Pierre-Paul Leonelli, fidèle d’entre les fidèles depuis la période « Jacquou », Jennifer Salles-Barbosa, fille de Rudy, autre « bébé Médecin » …) qui multiplient les casquettes, quitte à faire dans le douteux mélange des genres.

Ainsi, Graig Monetti et Pierre Barone, tous deux présents au conseil municipal, l’un adjoint, l’autre conseiller municipal, sont également deux figures historiques de la Face06, « syndicat » étudiant local issu de la FAGE et se réclamant de « l’apolitisme », mais qui jouit des faveurs de la mairie, on se demande pourquoi. Dans le cabinet du maire, Joël Migliore, chargé du pôle « montagne » avec une certaine Caroline Migliore, est aussi président du « comité 06 de ski », les stations sur les hauteurs de Nice représentant une des précieuses chasses gardées du pouvoir local, brassant des dizaines de millions d’euros de subventions. Une certaine Véronique Borré, chargée de la sécurité et de la police administrative (décidément chez les Borré, la loi et l’ordre c’est une passion), est aussi, pour la Région Sud, ouvrez les guillemets et prenez une inspiration, « huitième Vice-Présidente, en charge de la Sécurité, de la défense, du soutien aux forces de l’ordre et de l’innovation pour une région apaisée ». Quant à M. Romain Cardelli, chargé du stationnement, il était encore au Front National en 2015, ce qui n’a rien à voir mais que je tenais à souligner (ainsi que Gaël Nofri, ex-FN, adjoint au stationnement LOL).

Plus étonnant : au plus proche du maire, aux postes de directeurs adjoints de cabinet, on retrouve Jean-Paul David, président des maires du département, et Pascal Condomitti, que la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) identifie comme « personne chargée de la représentation d’intérêts », c’est-à-dire lobbyiste, pour le groupe Suez, auprès duquel il est spécifiquement chargé… des « relations avec les associations d’élus ». Sa déclaration à la HATVP n’est hélas pas encore disponible, mais il doit sans doute nous y expliquer que travailler dans le même bureau que le président des maires du coin n’est absolument pas susceptible de constituer un quelconque conflit d’intérêt.

D’autant, quel fabuleux hasard, que Suez n’est pas sans disposer de quelques billes dans notre ville. Je rappelle que Véolia et Suez ont, en mai 2021, annoncé leur projet de fusion : or, à Nice, c’est Véolia qui gère la régie transport (ST2N), présidée par un certain Philippe Pradal, et Luc Allard, ex-cadre de Suez, fut l’un des principaux instigateurs de la régie Eau d’Azur, présidée par un certain Philippe Pradal, Suez s’occupant également par exemple de la station d’épuration Haliotis de Nice, à travers sa filiale Degrémont. Et Suez encore étant partenaire, avec Véolia donc, mais aussi Bouygues et autres philanthropes, des chantiers de la mal-nommée « Nice Eco Vallée », dont elle fait partie du comité de pilotage. L’Établissement public d’aménagement Nice Eco Vallée est quant à lui présidé par un certain Pradal Philippe, qui a récemment succédé au dénommé Estrosi Christian. Vous suivez ?

Et tout ce petit monde, cette famille, oserai-je dire, se retrouve pour de petites fêtes en toute intimité à la Petite Maison, institution niçoise créée par Nicole Rubi, « amie des stars et de Nicolas Sarkozy » (L’Express), patronne du Majestic, à Cannes, et grande pote du maire. Le restaurant du Vieux Nice, à deux pas de la mairie, rue Médecin, est aujourd’hui géré par la fille, Anne-Laure Rubi, qui par le plus fabuleux des hasards est également conseillère municipale subdéléguée à la jeunesse et à la vie étudiante. En une image, c’est tout le fonctionnement de l’Estrosie qui apparaît au grand jour.

Hier comme aujourd’hui, c’est : les copains d’abord

Dans le milieu politique niçois, on le voit, l’amitié n’est pas un vain mot. Ce qui caractérisait le « système Médecin », c’était cette façon décomplexée de favoriser les proches du maire. Et il me faut ici revenir sur une des figures les plus marquantes du médecinisme : Jean Oltra, l’âme damnée du patron, son homme lige, son Alfred. Venu des groupuscules néo-fascistes alors très actifs du côté de la fac de Droit de Nice, cet imposant barbu devint rapidement un des rouages essentiels de l’écosystème politique local, et suivra son chef jusque dans sa cavale au Japon et en Amérique du Sud. Il restera aussi lié au destin d’Estrosi, même après la chute de la maison Médecin. En effet, tandis que Christian conspire dans l’ombre pour s’emparer des rênes de la ville à la place du successeur de « Jacquou », Honoré Bailet, en grande difficulté, c’est le sulfureux Oltra[xiii], de retour d’Uruguay, qui, selon Le Monde, « se tient en relation quasiment quotidienne avec lui [Estrosi, donc], jouant les petits télégraphistes »[xiv].

Une des nombreuses fonctions de cet homme couteau-suisse ? Arroser les amis du maire en distribuant des liasses à tous les vents, notamment en accordant de généreuses subventions municipales à des associations plus ou moins fantoches.

Et Estrosi ne sera semble-t-il pas le dernier à profiter de ce robinet d’argent magique. En 1992, en un temps lointain où Nice-Matin était férocement anti-Estrosiste (mais oui, ce temps a existé), son directeur de l’époque, Michel Bavastro, ne pouvant pas supporter le jeune opportuniste, le quotidien s’était amusé à égrainer le nom de quelques associations ayant profité des bienfaits de l’argent public du clientélisme médeciniste : Imprimix, Cerfad, Com 06, Monaco Sponsoring, Nice-Promo-Sport… « qui, toutes, doivent agacer les oreilles du jeune député »[xv]. La dernière de ces sociétés, Nice-Promo-Sport, avait d’ailleurs pour président Alain Dogliani, soutien historique de l’Estrosisme, qui était alors responsable du RPN (Rassemblement pour Nice), le micro-parti d’Estrosi à cette époque[xvi].

« Les copains d’abord » : cette maxime du médecinisme ne sera pas oubliée par notre maire actuel qui sait, lui aussi, se montrer agréable auprès de ceux qui lui sont fidèles, ainsi que divers rapports l’ont récemment souligné.

En septembre et novembre dernier, la Chambre régionale des comptes (CRC) a par exemple rendu publics deux rapports, épluchés par Hélène Constanty toujours, détaillant « comment Christian Estrosi contourne les règles de la fonction publique pour recruter au prix fort des personnalités utiles à sa carrière politique » et « appointer ses fidèles »[xvii]. Dans la foulée du second rapport, l’AFP annonçait qu’une enquête préliminaire avait été ouverte par le parquet de Marseille (celui de Nice ayant refilé le bébé), pour « détournement de fonds publics et complicité des dites infractions ». S’intéressant au fonctionnement du centre de gestion de la fonction publique des Alpes-Maritimes (CDG 06), dont Estrosi est formellement président même s’il en a laissé la gestion aux vice-présidents dans des conditions opaques, la CRC, entre autres bizarreries, avait eu en effet la surprise d’y trouver les traces d’activités salariées dont l’effectivité apparaît « plus que douteuse ».

Dans le viseur, outre le chauffeur particulier de l’ex-maire de Tourrette-Levens Alain Freire, deux (très) proches de la maison Estrosi : Pierre-Paul Leonelli et Lauriano Azinheirinha. Le premier, un ancien de l’équipe Médecin (tiens tiens), fait partie du premier cercle estrosiste, où il super-cumule diverses fonctions, au conseil municipal, au conseil métropolitain, au conseil régional (et sans doute aussi au grand conseil galactique), au secrétariat national LR…  Il est également le président de l’association des amis de Christian Estrosi, une structure dont je vous laisse deviner la fonction. En plus de pointer son ogresse consommation de frais divers, notamment d’essence (par exemple lors de ses vacances en Corse), la CRC affirme que « le cumul par l’intéressé de nombreux mandats et fonctions publiques ne peut matériellement […] permettre une telle activité ». Le second est l’actuel directeur général des services de la ville de Nice et de la métropole, et la CRC note dans son cas que « les quelques rares éléments pouvant établir sa modeste participation à l’aboutissement de la mission pour laquelle il a été recruté laissent entrevoir un travail sans doute davantage guidé par la défense des intérêts de la commune de Nice et de sa métropole, dont il a rejoint les effectifs huit mois plus tard en qualité de directeur général des services ».

Comme un mot vaut plus qu’Émile et Images, disons-le tout net : la CRC suspecte donc le clan Estrosi d’attribuer de confortables emplois fictifs, même si le terme n’est pas employé, à des personnes affidées au pouvoir local.

Et c’est en fouillant dans une autre instance présidée par Estrosi, la métropole Nice Côte-d’Azur, que la CRC a réalisé que ce petit coquin en avait profité pour y tailler un poste sur mesure à trois personnes, la plus connue d’entre elles étant Franck Louvrier, l’un des grands noms de la Sarkozie. Celui-ci a été recruté, après un bref passage par Publicis, comme « chargé de mission au service de la métropole », un poste localisé… à Paris, rue Saint-Dominique, c’est bien pratique. Le salaire : 5 000 euros. Hélas, la CRC, tout en relevant que le recrutement d’un tel poste de cadre de la fonction publique doit se faire sous des conditions légales qui n’ont pas été respectées, doute également que ce « travail » en soit vraiment un.

Copinage, vous avez dit ? Vous avez vraiment l’esprit mal placé. En Estrosie, on prend soin des siens, c’est tout. Comme Pradal, l’homme à tout faire (même l’intérim de la mairie quand Cricri s’envole pour un an à la tête de la région de 2016 à 2017) du régime, qui a été malencontreusement et bien injustement condamné à 50 000 euros d’amende, dont la moitié avec sursis, pour « prise illégale d’intérêts concernant des subventions » de 1,5 million d’euros, une paille, versées par la mairie à une association dont il était… lui-même membre, ainsi qu’à deux autres associations dont son père était trésorier (mais dans ce dernier cas, il a été relaxé car il a affirmé ne pas être au courant que son père tenait ce poste, c’est un fiston bien inattentif).

Le cul posé sur les galets (ouille) de la plage de Nice, à l’heure du couchant, griffonnant sur mon carnet ces histoires de copinage, je soupire. Quand on connaît l’état de galère permanent d’une grande partie du milieu associatif niçois, dont j’ai la joie de faire partie, il y a des jours où l’on aimerait bien, nous aussi, être copain-copain avec la mairie… Et entre cette vibrante passion pour les liens de l’amitié et cette épatante mise en pratique du salaire à vie, on se dit que notre bon Cricri n’est peut-être pas si à droite qu’on le dit – quoique ce soit le même qui avait, en 2016, salué l’initiative du Conseil départemental du Haut-Rhin, qui conditionnait le versement du RSA à 7 heures de travail bénévole, affirmant que « dès lors que la collectivité, que l’État, que le contribuable vous permet, à un moment de votre vie où vous êtes sur le bord du chemin, de toucher un revenu, vous devez rendre à la société tant que vous n’êtes pas réinséré dans l’emploi ». Même fictif ?

Persistance du médecinisme : l’exemple de Radio Baie des Anges

Mais allez : ces galets font décidément bien trop mal aux fesses (il y a une métaphore), et le premier chapitre de mon enquête est bien trop long, il est temps de conclure.

On l’a vu : la décision d’Estrosi de saluer le patrimoine purement niçois que constitue la triste mémoire du médecinisme fait bel et bien sens, tant les deux maires s’inscrivent dans une solution de continuité. La Radio Baie des Anges, s’il fallait encore s’en persuader après tout ce qui précède, fournit un dernier exemple particulièrement représentatif.

Créée le 12 juin 1981 par et pour « Jacquou », persuadé d’être à la tête d’une « oasis de liberté dans le goulag français », et donc désireux de faire connaître sa bonne parole « d’opposant » au socialo-communisme ambiant, la Radio Baie des Anges, radio « libre » 100% dépendante de la mairie, coup de com’ de génie, devient rapidement l’une des clefs de voûte du système Médecin. C’est d’ailleurs l’une des entreprises-phare du médecinisme, la SEREL de Francis Guillot, très proche du maire et détenant alors, dans des conditions plus qu’opaques, le quasi-monopole des marchés publics de « voirie et circulation » sur la Côte d’Azur, qui, rapporte l’Humanité dans un article de 1993, « a équipé, de pied en cap, techniciens compris, radio Baie des Anges, la « voix de Jacques Médecin » sans que l’on sache encore clairement comment elle s’est fait payer. » L’article ajoute : « Tenue à bout de bras par des subventions municipales, cette radio, contrôlée dans les années 1980 par les principaux lieutenants de l’ex-maire de Nice, fait l’objet d’une instruction en cours, à propos de 4 millions de francs « pompés » dans diverses associations paramunicipales »[xviii]. Ce qui vaudra notamment à Gabriel Villa, autre notable médeciniste, d’être inculpé dans une affaire de fausses factures ayant transité par la Radio.

Pour ce qui est du contenu, impossible d’en retrouver des traces ; on sait seulement que « Jacquou » y répondait « sans filtres » à toutes les questions qui lui étaient posées par les auditeurs, et que le but autoproclamé était d’y faire vivre une « parole libre » face au pouvoir socialiste de François Mitterand. Cependant, en termes de « parole libre », on sait de quoi le maire d’alors (jeu de mots) qui avait affirmé partager « à 99,9 % » les idées du FN, était capable, ainsi que l’avait justement rappelé Mediapart lors de l’inauguration de la rue Jacques Médecin : « Ah qu’il était truculent, « Jacquou », quand il s’opposait en 1974 au projet de loi autorisant l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en parlant de « barbarie, organisée et couverte par la loi, comme elle le fut […] par le nazisme en Allemagne », face à la ministre Simone Veil, rescapée d’Auschwitz. Ô combien il a prouvé qu’il était un homme de chaleur lorsqu’il décidait, la même année, de jumeler la ville de Nice avec celle du Cap, en Afrique du Sud, en soutien à la politique d’apartheid qui y était alors menée. Et que dire de cette façon qu’il avait d’aimer les gens, tous les gens, lorsqu’il déclarait au sujet des migrants : « La France va être envahie par tous les macaques qui n’ont rien d’autre à faire que de venir vivre chez nous. » Sans oublier sa sortie antisémite, le maire affirmant « ne pas connaître d’israélites qui refusent des cadeaux ».

On pourrait donc penser à bon droit que, pour les gens qui officiaient sur cette antenne, commencer sa carrière dans une radio lancée avec l’argent de la corruption par un maire qui avait fait de Jean-Marie le Pen citoyen d’honneur de la ville n’était pas de meilleur augure pour la suite de leur carrière, et qu’ils ont fini cramés à vie par cette collaboration.

Eh bien, détrompez-vous. Le site schoop.fr, qui se veut « la mémoire de la FM », et divers articles, permettent de retrouver quelques noms de l’équipe « Baie des Anges » ; et le moins que l’on puisse dire est qu’ils n’ont pas sombré avec le médecinisme. Jugez plutôt : Béatrice Courel fait actuellement carrière à Nice-Matin. Michel Goujon, directeur général de la radio en 1984, a été le fondateur en 1990 de l’École de journalisme de Nice avec son ex-compagne Marie Broselli, qui en est l’actuelle directrice. Gilbert Melkonian a été le directeur du Palais Nikaïa, principale salle de spectacle de la ville (il est mort en 2019 d’un arrêt cardiaque pendant… Star 80). Marielle Fournier officie maintenant à Europe 1, M6, Téva… Hervé Deharo est désormais directeur territorial de France 3 Corse. Alain Coissat, plus connu sous le nom d’Alain Marshall, figure des « Grandes gueules » sur RMC, est également le « parrain » de BFM Côte d’Azur. Et, plus intéressant encore : Jacques Dejeandile a ensuite fait partie de Télématin, émission de qualité qu’il a pourtant quittée pour intégrer… le conseil municipal de Nice, dans l’équipe Estrosi, où il retrouvé l’indéboulonnable Rudy Salles, ex-directeur de la station, et Dominique Estrosi-Sassone, que j’ai déjà présentée plus haut, et qui était également en charge d’une émission. On voit que le médecinisme a encore de beaux restes.

Conclusion provisoire

Jean-Jacques Ciais écrit, en conclusion de son opuscule, que « Le MEDECINISME [sic] est désormais ancré dans notre ville, ceux que certains nommaient dédaigneusement « le système » Médecin », c’est la victoire posthume de Jacquou ! » On ne saurait, hélas, lui donner tort : ce système vit encore. Et le meilleur n’ayant jamais été, ce sera uniquement pour le pire. Un pire que la patrimonialisation de Nice par l’UNESCO devrait nous pousser à explorer plus que nous ne le faisons aujourd’hui, ne serait-ce que par simple droit d’inventaire.

On connaît la passion de Christian Estrosi pour la poursuite en diffamation de toutes celles et ceux qui ont l’audace de vouloir critiquer la gestion de « sa » ville. Afin de ne pas froisser notre bon maire, et ne pas donner plus de travail qu’ils n’en ont déjà à ses avocats, je ne dirai donc pas que le pouvoir à Nice est corrompu, même s’il se revendique fièrement de l’héritage d’un ancien maire qui a été condamné pour ce motif. Je ne dirai pas que le clientélisme règne à Nice, même si différents rapports, publiés par des instances aussi gauchistes que la Cour des comptes ou la Chambre régionale des comptes, y pointent chaque année l’absence de transparence dans la gestion des deniers publics. Je ne dirai pas que la capitale azuréenne est une terre où peine à exister ne serait-ce qu’un semblant de début de vie démocratique, la faute à des décennies de gestion opaque et autoritaire. Je ne le dirai pas. Je pose cependant la question : en conséquence, et au vu des éléments qui précèdent, et de ceux qui suivront encore aux prochains chapitres, quels termes suis-je censé employer ?

A suivre. Prochain chapitre : « Quand les bétonneurs font main basse sur la ville ».

Cette enquête a été réalisée par un journaliste bénévole, comme tous nos journalistes, et c’est du boulot ! Pour qu’on puisse payer au moins une bière de remerciements à notre enquêteur, et pour que vive la presse libre, contre-pouvoir essentiel, une seule solution : abonnez-vous !

[i] Jacques Médecin: l’hommage qui fait honte. 24 novembre 2019, Ellen Salvi, Mediapart

[ii]Ce qui est ironique puisque Médecin avait notamment été condamné dans l’affaire dite de « l’Opéra de Nice »

[iii]J.M. : le feuilleton niçois, enquête de Bernard Bragard, Catherine Sinet et Frédéric Gilbert, la Découverte, disponible en ligne sur Numilog. Voir également l’épisode « d’affaires sensibles » récemment consacré par Inter à ce sujet.

[iv]Lui aussi remercié à Nice d’une rue à son nom

[v]Notamment à cause de frais délirants : frais de bouches, voyages, campagnes électorales… Estrosi tentera d’écrire à Juppé, alors ministre de l’économie, pour éviter le redressement –en vain.

[vi]https://www.lexpress.fr/region/la-revanche-de-l-obstin-eacute_477268.html

[vii]Gilles Tanguy, Les petits secrets de Christian Estrosi, Capital Publié 28/12/2009

[viii]Alors qu’il avait fait voter lui-même une loi censée les limiter !

[ix]Ellen Salvi et Antton Rouget, A la Région Sud, Estrosi a gardé un goût prononcé pour les hôtels de luxe, Mediapart, 30 septembre 2018

[x] Hélène Constanty, « subtil contrôle en baronnie », article paru dans le recueil « Informer n’est pas un délit », Calman-Lévy, 2015, préface d’Elise Lucet

[xi]Estrosi a embauché à la métropole des amis qui n’ont pas laissé de traces de leur travail, 25 novembre 2020, Hélène Constanty, Mediapart

[xii]HLM de la Côte d’Azur: une sale affaire au cœur du royaume Estrosi, Hélène Constanty, mars 2014

[xiii]Qui sera condamné par le tribunal correctionnel de Nice à deux ans de prison ferme et 100 000 euros d’amende.

[xiv]Archives du Monde, article du 12 octobre 1990.

[xv]Florent Leclercq, Nice: les dessous de l’opération Toubon, 08/1993. Archives de L’express.

[xvi]Florent Leclercq, Nice: les dessous de l’opération Toubon, 08/1993. Archives de L’express.

[xvii]Le clan Estrosi rudoyé par la chambre régionale des comptes, 1 octobre 2020, Hélène Constanty, Mediapart, Estrosi a embauché à la métropole des amis qui n’ont pas laissé de traces de leur travail, 25 novembre 2020, Hélène Constanty toujours, Mediapart

[xviii]Les pratiques d’un industriel niçois réputé au-dessus de tout soupçon, archives de l’Humanité, 17 février 1993