Le samedi 15 avril 2023, divers médias indépendants se sont retrouvés à Ménilmontant pour concrétiser leur projet de fondation d’un Syndicat de la presse pas pareille (SPPP). Contre Bolloré et son monde, contre les médias aux ordres, la presse libre a maintenant son syndicat de lutte. Voici nos revendications. Membre fondateur du SPPP, Mouais relaye son communiqué.
Lors des deuxièmes Assises intergalactiques de la Presse Pas pareille, en juin dernier près de Nice, il a été décidé de lancer la création d’un syndicat pour regrouper cette presse indépendante, avec pour but de « fédérer un maximum de médias libres autour de revendications fortes, de besoins communs et de formes de mutualisation ».
En ce beau samedi 15 avril, alors que la pluie du matin laisse – miracle – place au soleil sur la terrasse de la librairie du Monte en l’Air, à Ménilmontant, c’est donc à cette tâche que les collectifs et journalistes indépendants présents (du Mouais, Le Petit ZPL du Chiffon, l’AJAR, l’Empaillé, l’Âge de Faire, Primitivi, IPNS, la Friche Contre-Jour, les nouveaux Crieurs, les Voix de la Presse, le XVIII du Mois, Inf’OGM, Mediapart, divers jeunes gens en écoles de journalisme…) vont s’atteler dans la joie.
En ces heures de bollorisation tous azimuts du débat public et d’attaque du gouvernement lui-même contre la liberté de la presse et l’audiovisuel public, nous avons décidé de batailler ensemble pour notre survie, renforcer notre visibilité, nous soutenir, imposer un rapport de force plus important sur le terrain médiatique. Et proposer, également, un ensemble de revendications destinées à nourrir nos revues, les sortir de la marginalité, et mettre fin à la précarité qui y règne trop souvent.
Naissance d’un syndicat de lutte
Il ressort de ces rencontres que le Syndicat de la Presse pas Pareille, syndicat de lutte pour la presse libre, défenseur d’un journalisme combatif et du droit pour chacun·e de participer à l’information, outil de mutualisation, organe de défense collectif systématique autant contre la répression que contre les abus patronaux, vise à fédérer, et demande à être entendu, sur les points suivants, qui constituent notre base programmatique.
Le SPPP est un syndicat anti-répression. Procès, répression judiciaire, les attaques contre la presse libre s’accumulent, ainsi que nous l’avons déjà fait savoir dans diverses tribunes, en soutien à Contre-Attaque (Nantes Révoltée alors) et à nos camarades ciblés par l’extrême-droite. Nous entendons créer une caisse commune, et constituer un pôle d’aide juridique.
Le SPPP est une plate-forme de mutualisation de services. Impression, matériel divers, enquêtes de terrain, échange de sources et d’informations, création d’un site internet commun permettant de mettre en valeur nos contenus, nous nous engageons à développer ces diverses formes de mises en commun de nos ressources.
Le SPPP est pour une presse émancipatrice contre toutes formes de domination. Nous souhaitons que le syndicat puisse être un espace de réflexion autour des dominations de genre, de « race », de classe… Il s’agit pour nous de délimiter des actions et des temps de réflexions (kits, formations, rencontres, ateliers, conseils juridiques…), et éventuellement de mettre au point des outils susceptibles de permettre de réfléchir à ces questions.
Le SPPP veut défendre un droit au journalisme non professionnel. Un journalisme de lutte et local, « analphabète et plurilingue »*, ainsi que l’a formulé l’un de nos membres lors de la réunion. Il n’est nul besoin d’être journaliste « officiel » pour se livrer à ce service public essentiel qu’est le droit d’informer.
En outre, le SPPP revendique :
📢 Plus de transparence sur les subventions et diverses aides à la presse, et pouvoir se rapprocher des instances décisionnaires. Les critères d’attribution des financements et subventions relèvent souvent en effet de mécanismes opaques. Il s’agit pour nous, médias souvent précaires et parfois marginalisés, d’exiger plus de lisibilité sur les critères d’attribution, sur les commissions, ainsi que de pouvoir, a posteriori, mieux contrer et identifier d’éventuelles tentatives d’intimidation de retirer ces subventions. Nous demandons, par ailleurs, qu’un membre du syndicat de la PPP puisse assister aux commissions d’attribution, que cela soit au ministère de la Culture ou dans toute instance prétendant nous aider/nous représenter.
📢 La création d’un statut de journaliste indépendant. Il s’agirait selon nous de s’inspirer du statut d’intermittent·e du spectacle, et notamment de leur possibilité d’accéder à un salaire fixe chaque mois, pour des « cachets » ponctuels – prenant ainsi en compte le temps souvent non-payé du travail de journaliste : enquête, recherches, entretiens, retranscription, réseaux sociaux, gestion de site internet… Ce statut n’a pas vocation à faire concurrence à celui de pigiste, qui est inaccessible pour bon nombre d’entre nous hors Île-de-France, dont les piges ne suffisent pas à vivre et ne peuvent présenter un modèle de rémunération viable – ceci sans même évoquer celles et ceux d’entre nous bénévoles à temps plein. En parallèle de la pige, il faut donc penser à un autre système, qui puisse garantir un revenu stable digne des activités, extrêmement diverses et chronophages, d’un·e journaliste de la presse pas pareille.
📢 Qu’une carte de presse (dont nous contestons la légitimité, mais nous devons également acter qu’elle ouvre, hélas, des passe-droit dont nous sommes privé·es) collective soit attribuée à chacune des rédactions des médias membres.
📢 Enfin, les membres du SPPP s’engagent à organiser chacun à leur échelle et selon leurs possibilités, des rencontres permettant de continuer encore et encore à renforcer cet écosystème précieux des médias libres.
Nous encourageons tout média indépendant, n’appartenant à aucun groupe industriel, financier, politique ou syndical, solidaire de toutes les luttes pour l’émancipation, à nous rejoindre, afin de lutter ensemble contre la désinformation d’État, la pensée dominante, et le contrôle médiatique opéré par une poignée de milliardaires à l’agenda idéologique ultra-conservateur.
La création de ce syndicat est un acte politique. Pour faire entendre la voix des sans-voix, et mettre, toujours selon l’expression consacrée, la plume dans la plaie.
Nous vous donnons rendez-vous cet été à divers événements, et surtout à cette rentrée lors des 3ᵉˢ Assises intergalactiques de la presse pas pareille.
Pour toute question : syndicatsppp@protonmail.com.
* Soit : Totalement inclusif et voué à être fait par et pour toutes et tous, y compris celles et ceux qui ne savent pas bien lire ou écrire, et dans toutes les langues possibles.
Dessin de bandeau par Pluie Acide Instagram : @pluie.acide
Compte-rendu réalisé par Mačko (Mouais) avec l’aide de Coline (Le Chiffon), Mahault (Mouais)