Notre pays connait depuis cet automne une nouvelle épidémie de grippe aviaire, à laquelle le gouvernement répond par des abattages massifs, et par l’obligation d’enfermer les volailles. Sachant que la plupart des foyers épidémiques sont dus à l’élevage industriel, où on compte de dix à vingt volailles entassées sur un mètre carré, chez les éleveurs et éleveuses plein air, ces mesures passent mal. C’est pourquoi ils ont manifesté à Nice, en face du Palais de Justice, ce jeudi 14 avril.

Il est 13h30, bon, d’accord, 14h, quand j’arrive, un peu en retard (mais j’ai une excuse, je bossais) à la place du Palais de Justice, dans le Vieux-Nice. Je salue les copaines Lucie et Médo, de la ferme de la Sauréa, à Tourrette-Levens, où notre journal organise notamment depuis l’an dernier les fameuses assises intergalactiques de la presse libre, ceci n’est pas un placement de produit. Membres de la Confédération Paysanne, ce sont eux qui sont à l’initiative de ce rassemblement.

Sur la place ensoleillée (un peu trop, même), ils ont ramené, barbotant dans leur paille, deux brebis, des poulets et des pintades, qui caquettent tandis que Lucie répond aux question de BFMTV-Côte-d’azur, France 3 région, Nice-Matin et France Bleue (salut Alex) venus couvrir l’évènement. Notre amie leur explicite le contenu du communiqué du rassemblement : « Les éleveurs de volailles même plein air et de label se voient contraints de réduire les parcours et garder leurs animaux sous filet, voire même de garder leurs animaux enfermés pour suivre les normes. C’est la solution qu’a trouvé l’Etat pour faire face à la grippe aviaire. Or, nous ne sommes pas éleveurs pour faire du poulet de batterie et nous voulons sauver cette forme d’élevage qui est un élevage de qualité respectueuse du bien-être animal. Cela fait le 4eme épisode de grippe aviaire en 6 ans, et à chaque fois on recommence : on enferme les volailles de toute la France même les zones de moindre risque comme le 06. Puis on abat toutes les volailles infectées et non infectées en prévention, et ensuite, on recommence sans se poser la question de savoir si la génétique et le fait d’enfermer des animaux avec des densités extrêmes ne pourrait pas être responsable, ou en tous cas vecteur, de cette maladie. »

Pas mal d’éleveuses et d’éleveur plein air sont là. Dans un département déjà pas mal impacté par la sécheresse qui dure depuis quelques temps dans notre région, et devient fort préoccupante, cet énième épisode de crise sanitaire dû à l’élevage industriel, et sa gestion calamiteuse par les pouvoirs publics, passe mal.

« -Toi aussi, t’es illégale ? », demande une fermière ayant refusé d’enfermer ses poules à une autre : « -Je peux pas, si j’ai une amende, c’est la fin, je pourrais même pas la payer et je devrais mettre la clef sous la porte »

Et pendant ce temps-là, comme le rapporte la très sympathique (nous l’avons croisé à Paris il y a peu, lors de rencontre organisée par Mouais à la librairie du Monte-en-l’air, mais ceci n’est pas non plus un placement de produit) Amélie Poinssot dans un article pour Mediapart, « Grippe aviaire, la fronde dans les élevages de plein-air s’amplifie », « alors qu’une bonne partie du monde est secouée par les répercussions agricoles de la guerre en Ukraine, ce sont environ 13 millions d’animaux, d’après les informations du ministère communiquées à Mediapart, qui ont été tués. Selon nos observations, jamais, dans l’histoire des maladies animales, la France n’a procédé à un tel dépeuplement. »

Elle poursuit : « La majorité des foyers épidémiques sont des élevages intensifs, c’est-à-dire des poulaillers fermés où sont entassées dix à vingt volailles au mètre carré. À aucun moment ce modèle de production n’a été pointé du doigt par le ministère. À l’inverse, les élevages de plein air sont censés appliquer, dans les zones dites à risque, des mesures de « mise à l’abri » des animaux depuis octobre. Mais très peu d’entre eux ont été vecteurs de la maladie. En Vendée, la cartographie de l’épizootie est claire : les premiers foyers identifiés, à partir desquels le virus s’est ensuite propagé tout autour, sont des élevages industriels. »

Ce à quoi, débordés et en galère de thunes comme tout service public français qui se respecte, les services vétérinaires n’ont pu que répondre dans la hâte, en demandant par exemple dans certains endroits de… de procéder à la mise à mort par asphyxie, en enfermant les pauvres volailles dans leur poulailler, en coupant les ventilateurs, montant le chauffage, et attendant que la mort fasse son œuvre. Après quoi, les dépouilles sont enterrées sur place, une horreur pour tout éleveur accordant la plus minime importance au bien-être animal.

C’est donc de tout ça, de toutes ces aberrations que cause la grande industrie agricole, que l’on cause face au Palais de Justice. Notamment avec les potes Marion et Cédric, de la communauté paysanne Emmaüs-Roya, qui élèvent également des poupoules (l’un de leurs poulaillers a pris feu dernièrement, n’hésitez pas à faire des dons pour le reconstruire), venus en soutien de la Sauréa entre deux livraisons d’œufs.

Bref, constat de cette journée : les poupoules ont les boules, et elles ne sont pas les seules. Et n’oubliez pas : à défaut de devenir végétarien, boycottez la viande industrielle, et mangez local, la planète vous dira merci.

Par Mačko Dràgàn

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Crédit photo : confédération Paysanne du 06.