Ce samedi 9 mars Cédric Herrou et Marion Gachet, responsables de la communauté agricole Emmaüs-Roya, ont vu les compagnons, de retour d’une plantation de salade bloqués sur la route et interpellés en toute illégalité par des militaires armés de l’opération sentinelle. Un contrôle de papier au faciès -illégal bien sûr lui aussi. Nous relayons leur réaction à cette atteinte à l’État de droit.
Quelques nouvelles après l’interpellation d’hier. Le contrôle d’identité et la privation de liberté ont duré une bonne dizaine de minutes. Les sentinelles ont reçu l’ordre de nous laisser partir. Nous avons tous été très choqués et avons mis la journée à encaisser l’événement.
Malheureusement, les habitants de la vallée de la Roya, dont les compagnons Emmaüs Roya, ont désormais l’habitude de subir directement ou indirectement ces contrôles intolérables et illégaux, au faciès qui plus est.
Nous rappelons que les militaires ne sont pas habilités à faire des contrôles d’identité.
Seuls les officiers de police judiciaire (OPJ) présents dans les forces de police ou de gendarmerie, et certains agents (mais sous la responsabilité de l’OPJ) peuvent faire des contrôles d’identité.
Sentinelle est une force militaire créée en 2015 dans le cadre vigipirate pour lutter contre la menace terroriste. Ils ont une mission de surveillance.
Dans son rapport de septembre 2022, la Cour des Comptes déplorait que « la vocation initiale de Sentinelle de lutte contre le terrorisme militarisé [ait été] dévoyée», dans la mesure où « les actions conduites dans le domaine de la lutte contre l’immigration clandestine sont prégnantes, alors que les armées n’ont pas pour mission de contribuer à cette politique ».
Il est aussi important de savoir que le rétablissement des contrôles aux frontières selon le code frontière Schengen instauré depuis 2015 est illégal.
Illégal, car les contrôles aux frontières ne peuvent être restaurés plus de 6 mois, et ne peuvent être renouvelés qu’en cas de « nouvelle » menace. Parce que oui, on ne dirait pas en voyant les images d’hier, mais l’espace Schengen existe toujours.
Au passage, nous rappelons également qu’être en situation irrégulière n’est pas un délit (depuis 2012, grâce à Maître Spinosi, et article rejeté dans la dernière loi asile et immigration par le Conseil Constitutionnel), et que selon Schengen l’immigration ne saurait être considérée comme une menace.
On pourrait aussi rappeler qu’en septembre 2023 la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé non conformes les pratiques de contrôle et de renvoi des étrangers à la frontière franco-italienne, ce qu’a confirmé le Conseil d’État le 2 février 2024…
Bref toutes ces données ne sont pas des chimères, d’où l’importance de mettre en perspective les événements actuels avec tout ce qui est documenté depuis 2015 par des assos comme nous, la LDH, l’ANAFE, Roya Citoyenne etc, et tous les juristes et avocats qui ont étudié le cadre juridique de la frontière. Relayer du buzz n’est pas la mission première du journalisme local, les réseaux le font très bien tout seuls ; informer, enquêter et vérifier les faits, quitte à pointer d’ailleurs les mensonges ou approximations de l’État et des élus doit être une priorité.
N’en déplaise aux zélés de l’ordre et de la sécurité, l’État de droit existe encore en France. Et si on ne sait pas, on ne peut pas se défendre. Ne lâchons rien. Ne nous habituons pas à la peur.
La communauté Emmaüs-Roya (pour les soutenir : https://emmausroya.sitew.fr/)
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