Communiqué de la rédaction du mensuel Mouais au sujet de l’arrestation de notre journaliste suite à la vitrine cassée de la permanence d’Éric Ciotti. Il a reconnu les faits et sera jugé pour cela, mais des choses importantes sont selon nous à préciser quant à la sévérité de la procédure, la façon dont la chose a été médiatisée, et sur le contexte général de répression tous azimuts.
Précisons-le d’emblée : il ne s’agira pas ici de parler du fond, un délai pour préparer la défense ayant été demandé lors de la première audience de Comparution immédiate -les faits ne seront jugés que lors de l’audience qui se tiendra le 26 septembre-, mais simplement de rétablir quelques vérités et de dénoncer la sévérité de la procédure à l’encontre de notre journaliste, ainsi que de réaffirmer son statut, n’en déplaise à une partie de la profession.
Venons aux faits. Notre journaliste Edwin a été arrêté le mercredi 29 mars à 8h30 par la police, concernant son implication dans la dégradation de la vitrine de la permanence du député Eric Ciotti, patron du parti Les Républicains. S’en est suivie une garde à vue, où il a avoué sa culpabilité immédiatement. Pourtant, il a été laissé en cellule -un lieu dont nous ne contesterons pas ici les généreuses conditions d’accueil et de confort, puisque la contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Dominique Simmonot, a déjà pointé leur « totale indignité », leur « saleté innommable » et autres « odeurs pestilentielles » et « accumulation de crasse ».
On l’a auditionné à nouveau l’après-midi, pour vérifier sa carte de presse, alors qu’il avait déjà expliqué le matin même qu’elle n’était plus valide. Il a donc passé la nuit à la caserne Auvare, pour aucune raison semble-t-il. Le lendemain, on lui annonce sa comparution immédiate, chose rarissime pour des faits de cette nature, notamment au regard du casier du prévenu ne portant aucune mention, et après reconnaissance de culpabilité. Cela se règle normalement en Comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC).
Pire encore, le procureur dans ses réquisitions demande de la détention provisoire, arguant d’une possible réitération des faits et d’une domiciliation pas assez claire. Comme si, après aveu, le prévenu partirait en cavale. Une procédure judiciaire à la sévérité extrême donc, pour une vitre cassée. Mais lorsqu’il s’agit du pouvoir, rien n’est jamais assez…
A ce titre, à l’heure où le gouvernement s’attaque frontalement à la Ligue des droits de l’Homme et annonce avoir engagé la procédure de dissolution du mouvement écologiste les Soulèvements de la terre, le climat actuel est inquiétant. Une dame a été interpellée chez elle, et sera jugée pour avoir « insulté » le président (« l’ordure », a-t-elle dit, alors qu’une ordure a un jour été utile, avant que ne se soit présenté le besoin de la jeter) sur les réseaux sociaux. Chez nous, à Nice, notre ami et camarade de lutte Thomas a été convoqué au commissariat puis placé en garde à vue pendant 7 heures pour « outrage à une personne dépositaire de l’autorité publique et provocation publique à la commission de crimes ou délits ». Son crime ? Être le créateur du « paillassou », cette poupée de chiffon traditionnelle à Nice, ici à l’effigie de Macron, qui accompagne toutes nos manifestations depuis des années, et qui s’est trouvé placée sur les rails du train lors d’une action d’occupation de la gare il y a quelques semaines. Sacrilège. Et dans tout le pays, les nombreuses manifestations consécutives à la surdité du pouvoir quant au rejet populaire de sa contre-réforme des retraites donnent lieu à une répression brutale, sans commune mesure, faut-il le préciser, avec le fait (qu’on le cautionne on non) de renverser une poubelle, aussi élégante soit-elle.
Un autre point mérite que l’on s’y attarde. Que l’on soit clairs : ce n’est pas le journaliste Edwin qui a commis la dégradation de la permanence du député Ciotti, mais la personne, et c’est bien cette personne qui sera jugée en septembre prochain. Néanmoins, son métier de journaliste, précisé lors de l’audition puis par les nombreux médias ayant relayé cette affaire, a suscité des réactions qui nécessitent une remise au point, voire un coup de griffe.
En effet, la plupart des médias ont remis en cause, de manière sous-entendue ou plus franche, le statut de journaliste d’Edwin, notamment en raison de la péremption de sa carte de presse. Comme si la profession n’était pas au courant de ce que signifie réellement cette carte. A savoir : un simple sésame sur des critères d’ordre financiers, accordé en grande majorité aux salariés des grandes rédactions, mais en aucun cas une attestation du travail de journaliste. Nulle carte de presse n’est nécessaire pour exercer le métier de journaliste. Pourtant, il en a eu une, il en aura une, le matricule est conservé à vie.
Edwin a participé à la fondation du journal Mouais, et aujourd’hui à la direction et la rédaction. Notre journal est titulaire de l’agrément d’Information politique et général (IPG), délivré par la Commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) rattaché au ministère de la Culture, et possédé par seulement 130 revues en France. L’agrément IPG signifie que notre journal participe au pluralisme de la presse. Parmi les critères d’obtention se trouve la mention : « Apporter de façon permanente sur l’actualité politique et générale, locale, nationale ou internationale, des informations et des commentaires tendant à éclairer le jugement des citoyens ».
Enfin, sur la caractérisation de notre journal, il semblerait là aussi que les médias dominants aient du mal à imaginer qu’un autre journalisme que le leur puisse exister. Celui que nous portons est pourtant, croyons-nous, bien plus proche de l’idéal journalistique que celui des passeurs de plat du pouvoir que sont nos confrères et consœurs dopés aux subventions publiques et fonds capitalistiques. Les termes pour nous désigner ont généralement été les mêmes : « Site d’informations anarcho-alternatif », voire « anarcho-libertaire », « journal alternatif »… Ne manquait que l’emploi des mots « skyblog militant » pour parachever le tableau.
Alors pour la prochaine fois, on répète ensemble : 1/ « Anarchiste » et « libertaire », c’est totalement la même chose ; 2/ Mouais, le mensuel dubitatif est une revue mensuelle satirique d’informations politique et générale, écrite (principalement) par des anarchistes. Nous, nous sommes transparents avec notre lectorat. On vous enjoint à faire de même, concernant vos positionnements.
Par ce communiqué, la rédaction de Mouais adresse son soutien plein et entier à notre ami et collègue journaliste Edwin. Le temps de juger les faits, et les expliciter n’est pas encore venu. Le procès se tiendra le 26 septembre. D’ici là, Edwin doit pointer toutes les semaines au commissariat d’Auvare.
Nous exprimons également notre soutien à toutes les personnes qui, dans ce pays, sont poursuivies pour le même type de faits, et encourent des condamnation parfois très lourdes. Il n’est pas dans notre rôle d’appeler qui que ce soit à faire quoi que ce soit, et nous ne sommes pas friand·e·s des bouteurs de feu qui appellent à l’insurrection derrière un clavier d’ordinateur. Mais nous tenons à le rappeler : les « émeutiers » et autres casseuses et saboteurs, qu’on soit d’accord ou non avec ces pratiques, visent des objets. La répression d’État, elle, cible les personnes, jusque dans leur intime le plus fragile. Entre briser une vitre et briser une vie, il n’y aura jamais d’égalité dans l’équation.
La rédaction de Mouais.
(P.S. : Navré·e·s d’avoir un peu tardé à nous exprimer, mais nous tenions à ne pas livrer une réaction « à chaud »)