Bon ! Cette fois-ci on ira vite, parce que ça commence à être fatigant de devoir commenter chaque grossièreté (oui, on a bien dit : grossièreté. On ne se tient plus.) de Nice-Matin. Mais quand le mépris de classe se mélange au mépris des cultures alter’ dont notre journal est issu, on sort les griffes.

Bon nombre d’entre vous est sans doute tombé, ces derniers temps, sur cette petite annonce placardée ici et là, et disant : « Perdu !! Mécène punk millionnaire prêt à investir dans une révolution culturelle ! Si vous avez vu cette personne ou si vous vous reconnaissez en elle, contactez-moi ! » Suit un numéro de téléphone.

Un message rigolo, mais qui dénote aussi, en fond, la galère et la précarité qui caractérise les milieux associatifs et alternatifs (on reviendra sur ces termes), qui, contrairement à Gargamel et tous ses potes, n’ont pas la chance de pouvoir compter sur un Bolloré à crête pour venir allonger la maille.

Et du coup, Nice-Matin, dans un article récemment paru, titré « C’est quoi cette annonce collée sur les troncs d’arbres de Nice? » et signé Ch. R. a voulu non pas, comme annoncé en début de papier, « savoir qui était derrière cette annonce pour le moins inédite et qu’est-ce qu’elle signifiait exactement », mais bel bien appeler pour… se foutre ouvertement et dans le plus grand des calmes de la personne ayant collé cette affiche.

Cette personne, une femme, est sur la réserve, et on la comprend. Nice-Matin : « Une voix féminine. Qui ne comprend pas notre démarche. Ben quoi? On est journaliste, donc un peu curieux. » Sauf que le but affiché ici n’est de toute évidence pas de comprendre, mais de rigoler un peu comme un ado qui fait un « prank » à la McFly et Carlito, sur le dos d’une initiative que l’on méprise ouvertement.

« Ça fait interrogatoire de police », dit la voix, rapporte l’article. Mais le « journaliste » ne se dit pas que c’est peut-être lui qui mène mal son entretien : c’est la faute à la meuf là, elle est pas golri, d’ailleurs elle dit des trucs qu’on comprend pas, genre « Je cherche à fédérer des cultures underground et alternatives pour monter mon projet »

Suit un véritable festival de basses moqueries, sur un ton de beauf bien content d’avoir pu faire sa blague (et d’avoir été payé pour ça par son journal) : « d’après ce qu’elle condescend à nous lâcher, il s’agirait d’une artiste », « limite désagréable », qui finira par raccrocher au terme d’une « conversation improbable ».

Conclusion du blaireau satisfait (pardon pour tous les blaireaux qui sont nombreux à nous lire dans leurs terriers) qui a écrit cet article :

« Alors pour ceux qui veulent en savoir plus, la culture underground, ou alternative, correspond à un mouvement d’opposition à l’industrie culturelle, qui se place à l’écart des médias de masse, voire en marge de la société. Un truc bien à contre-courant, bien politiquement incorrect. C’est sûr, on a pas échangé verbalement avec une descendante de Botticelli ou Léonard de Vinci ! » Mépris de classe, bonjour !

Alors, mec -ou meuf- (navré pour la familiarité mais c’est toi qui a commencé), j’aurai deux-trois trucs à te dire. Première chose : quand on cite mot pour mot Wikipedia, la moindre des choses est de le mettre entre guillemets, surtout quand on se dit « journaliste ».

Deuxième chose : la culture alternative, dont j’ai la joie de faire partie, et dont notre journal, Mouais, est partie prenante, c’est une riche histoire, des centaines de mouvements culturels variés, nés de la culture populaire, qui ont donné à la culture pop des choses comme le rap, le rock, le graffiti, le cinéma indé et j’en passe, des pratiques diversifiées toutes liées au DIY (do it yourself, fais-le toi-même), et c’est encore aujourd’hui des centaines, des milliers d’assos, de collectifs, des millions d’individus qui inventent, luttent, s’entraident, créent du lien, comme nous le faisons avec les potes underground niçois de Punk & paillettes, Pilule Rouge, Rue Libre, la Zonmé, bien d’autres, tous ces collectifs locaux que tu connaitrais si tu en avais un minimum quelque chose à faire.

Dernière chose : opposer comme tu le fais en ricanant cette vaste culture contestataire et populaire qui en chie, avec ses petits moyens, ses petits réseaux, à faire en sorte que la littérature, la musique, les arts graphiques, soient pratiqués par tous et toutes et accessibles à tous et toutes, et la « grande culture » de « Botticelli ou Léonard de Vinci » (que franchement tu n’as pas l’air de bien connaitre non plus, déso), c’est stupide et c’est ne rien avoir compris à ce qu’est la culture, qui, comme l’a bien formulé l’historien Pascal Ory, « va de Goya à Chantal Goya », du petit artiste de bar aux grands opéras, sans que l’une ou l’autre de ces pratiques ne puisse être tenue pour plus « noble ».

Parce que ça, c’est une vision petite-bourgeoise de l’art. Et c’est un spécialiste de la littérature expérimentale hispano-américaine fan de nanar italo-philippin et de musique punk bien crade qui te le dit.

Encore un effort pour être « journaliste » !

Salutations punks, alternatives et libertaires quand même,

Mačko Dràgàn pour Mouais

PS : à la personne qui a collé cette sympathique affichette, nous exprimons donc notre plus vif soutien, et qu’elle n’hésite pas à entrer en contact avec nous, on se boira une bière à la santé de Nice-Matin.

EDIT : Il s’avère, suite à enquête, que l’article a été écrit par une femme et non un homme, vraisemblablement Christine Rinaudo vu les initiales. On garde cependant les termes « beauf » et « blaireau » car la bêtise n’a pas de genre, hélas -même si elle est plus souvent masculine, d’où notre erreur.

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