Avec un million d’habitants entre Menton et Mandelieu, avec une autonomie alimentaire d’à peine 2%, les Alpes Maritimes sont totalement dépendantes des productions extérieures, entièrement dépendantes des transports routiers et donc du pétrole. Vienne une crise climatique, économique, énergétique ou sociale plus violente, et les supermarchés seront vides en 3 jours. Comme on dit souvent: il n’y a que trois jours qui séparent une pénurie alimentaire d’une guerre. Construire une résilience est une priorité pour les temps qui viennent.

Vous me direz: il n’y a plus de terres agricoles dans le 06, les seules terres de qualité ont été sacrifiées pour du béton ! C’est presque vrai, 70 ans de collaborations entre nos élus et le BTP ont tout défoncé, tout confisqué, tout recouvert. Tout sauf des milliers d’hectares de terres agricoles qui ont été cultivées à partir du Moyen-Age et avant, et qui sont toujours là, parfois même jusqu’à 2000 m d’altitude. Ces terres sont pour la plupart recouvertes de bois, de broussailles. Ce sont les restanques. Bancau ou Faisses en Provencal et Nissart. Regardez une photo aérienne sur le web, entre la Côte et la Vésubie, par exemple. Le territoire a été modelé par l’homme depuis des centaines d’années. Dès que vous passez Vingtimille, vous verrez toutes les restanques cultivées, sur toute la Ligurie. Les Italiens ne les ont jamais abandonnées. Pour des raisons fiscales, mais aussi parce que la possibilité d’autonomie alimentaire est un fait culturel dans les pays qui ont eu à souffrir de la faim. Les restanques italiennes accueillent également des serres, peu sensibles aux vents, et des panneaux photovoltaiques semi-transparents, servant de vitrage aux serres.

Quelques paysans cultivent les restanques du 06, ce sont des terres fertiles si on respecte et augmente la biodiversité des sols. La restanque cultivée en permaculture est parfaitement adaptée au bouleversement climatique qui nous prévoit sécheresses, pluies torrentielles, vents rugissants, parfaitement adaptée à l’agroforesterie, maraichage et arboriculture associés. La restanque stocke de l’eau, avec des épaisseurs de substrat importantes, qui permettent aux fruitiers de descendre leurs racines en profondeur et résister à la sècheresse. La restanque est moins sensible aux vents terribles qui sont modélisés. La restanque permet de prolonger la saison vers l’hiver en stockant l’énergie solaire dans ses murs, en été on masquera le mur avec des cucurbitacées. Une restanque avec un sol bien chargé en biodiversité va retenir l’eau des pluies torrentielles, au lieu d’aller inonder en contrebas. Une restanque avec des rigoles bien dessinées remplira également ses bassins associés, que vous verrez sur les photos aériennes. Un mur de restanque est un réservoir de biodiversité pour toutes sortes d’espèces utiles à la permaculture.

La restanque possède aussi des défauts: elle nécessite un travail manuel considérable et pénible. Mais elle peut être mécanisable avec des matériels dédiés comme ceux de l’Atelier Paysan (association près de Grenoble qui développe une trentaine de machines agricoles sous licence libre, à construire dans n’importe quel atelier). L’agriculture en restanque nécessite un cloturage solide contre les sangliers et cervidés qui prolifèrent partout en 06.

Pour réhabiliter les restanques, il faut une aide des pouvoirs publics, pour la restauration des sentiers et bassins, le cloturage, l’adduction d’eau éventuelle, l’équipement, la gestion du foncier en coordination avec les propriétaires. Ainsi que des aides pour l’habitat des paysans et leur famille. Car on peut proposer aux propriétaires, actuellement très embêtés par l’obligation de débroussaillage anti-incendies, sans brulis, qui coûte très cher, de donner accès à leur terres, sous forme juridique du commodat, afin de les grouper en parcelles ayant la surface suffisante pour une exploitation. Ces propriétaires n’en font rien, ont peur des incendies, et seront également d’accord pour bénéficier gratuitement de paniers de légumes bio de leur terre. En bio et en vente directe, il faut 2 à 4 hectares pour faire vivre une famille, en fonction du type d’agroforesterie, adapté au sol et à l’exposition. Une vraie politique agricole basée sur ces principes permettrait non seulement à ces terres de revivre, mais également à repeupler des villages déserts, refaire du lien social dans nos vallées, en plus de nourrir la population avec des produits sains. Si vous voulez participer au montage du projet, qui va nous permettre d’aller voir les pouvoirs publics au département et à la région, contactez-moi par le site des Assises de la transition écologique et citoyenne de 2018: https://at06.eu/agriculture-en-terrasse/

Jean-Noël Montagné