Ils se vantent d’avoir été les plus serviles agents du contrôle généralisé de la population, les plus zélés partenaires des restrictions des libertés. Ils s’estiment donc injustement traités. Hé oui, c’est vraiment trop injuste. Comme ils sont pour la plupart « apolitiques » hein, ben ils ont obéi, ont communiqué allègrement sur les directives gouvernementales, ont méprisé les antipass, accusé les non-vaccinés, ont clamé des « tous vaccinés, tous protégés » et autres « prévenir protéger vacciner ».

J’aimerais dire que je suis peiné, que je soutiens ces « 1200 discothèques qui en payent le prix (…), 30 000 salariés sans compter les emplois indirects » selon Thierry Montaine, président de l’Union des métiers des industries de l’hôtellerie Nuit (Umih). Et effectivement, humainement, on ne peut que compatir, car cela annonce de nouvelles clés sous portes (131 discothèques sont déjà en liquidation judiciaire), des angoisses financières, voire de la précarisation pour les prolétaires de la nuit. « On ferme aujourd’hui les seuls établissements où l’on contrôle la pièce d’identité en France », s’étrangle Thierry, tout en réclamant la vaccination obligatoire pour tous, alors que tous ses clients sont déjà multiplement vaccinés, comme il aime à le rappeler.

Si le gouvernement demandait à ce type de n’accueillir que les chauves et les imberbes, il réclamerait sûrement le rasage obligatoire généralisé ; si on lui demandait d’accueillir seulement les unijambistes, je suis certain qu’il cautionnerait les mutilations de masse. Mouais, je vais un peu loin dans mes blagues pas drôles, mais les remarques de Thierry ne me font pas rire non plus, elles m’atterrent et me consternent. L’interdiction de danser m’amuse un peu plus, parce que c’est tellement absurde et grossier (et inhumain quoi), que c’en devient montypythonesque.

Thierry et ses potes s’en prennent aux entreprises qui ne respectent pas le protocole sanitaire, aux militants politiques qui organisent des meetings où le pass n’est pas réclamé (car le Conseil constitutionnel l’interdit), et s’estiment punis à cause des gens non vaccinés. L’Umih explique dans un « message important » du 28 novembre que « faire respecter le pass et le contrôler de manière rigoureuse, faire porter le masque de manière obligatoire (…), faire scanner le cahier de rappel, c’est la meilleure des réponses que l’on puisse apporter aujourd’hui à cette crise épidémique (…). Par ailleurs, en tant que représentants professionnels, nous ne pouvons que comprendre et soutenir les contrôles par les institutions ». Plus laquais tu meurs. Mais cette courtisanerie est récompensée par un gros crachat de gestionnaire d’État. Si bien que nombre de discothèques ont ouvert hier une dernière fois, et le grand jeu de la soirée était de poster des photos et vidéos du public levant le majeur à l’attention du gouvernement.

Mais raisonnons deux minutes : la dernière étude de l’Institut Pasteur démontre que les bars et discothèques ressortent comme étant les plus à risque concernant la circulation du Covid. « Chez les moins de 40 ans, les risques de contamination augmentent de 340% par rapport à une personne n’ayant pas fréquenté de discothèque ». Donc, à l’approche des fêtes, puisque les boîtes de nuit constituent « des lieux à haut risque de transmission », la décision du Conseil de défense, relayée par Castex, paraît logique, lucide. Thierry le sait bien, c’est pour cela que, au lieu d’argumenter sur ce constat, il préfère taper sur ses concitoyens indisciplinés. D’autant qu’en bon libéral qu’il est, il ne va pas cracher sur les aides publiques hein, un fond de solidarité qui a déjà coûté plusieurs dizaines de milliards au contribuable.

« On nous vole notre jeunesse, c’est la faute des antivax » affiche en titre ladepeche.fr (10/12/2021), ce à quoi Le Figaro répond que « leurs protestations et la colère des amateurs vont s’estomper en quelques jours, car la disparition de la fête n’émeut plus vraiment la civilisation du cocon et de la flemme » (Jérémie Peltier : « La fermeture des discothèques, symbole du déclin de la société de la fête », 09/12/21). Donc non, je ne me réjouis pas de cette décision, mais je ne vais pas non plus jeter des grosses larmes sur les enseignes éteintes. Toutefois, je me demande si les gérants de boîtes de nuit y croyaient réellement, s’ils pensaient vraiment que leur naïve déférence rampante allait les épargner. Peut-être que cette fois-ci, ils pousseront un peu la réflexion sur le fait que leur servitude, instrument actif d’une société devenu autoritariste, a été un simple acte de collaboration stérile.

Bob