Plus de trois mois pour que le ministère de la Culture rende publique l’attribution des enveloppes du fonds de soutien qui permet aux médias pas pareils de vivoter ! What’s the f… ?! Le syndicat de la presse et des médias pas pareils, en cours de création, rappelle donc qu’il n’y a pas que la presse des milliardaires qui a besoin de soutien (communiqué).

« Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? » Pas de doute, Godard avait le sens de la formule et, s’il fallait qualifier l’attitude du ministère de la Culture et de la communication à l’égard de la presse et des médias pas pareils, le mépris résumerait assez bien la situation.

Certes, il faut savoir se contenter de peu et, dans notre secteur, on a l’habitude. Il a fallu le massacre de Charlie Hebdo pour que la rue de Valois se rappelle qu’il n’y a pas que la presse des milliardaires qui a besoin de soutien. D’où la création du « Fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité », un fonds avec un nom long comme un jour sans pain qui masque le peu de moyens alloués : environ 1,5 millions d’euros pour une grosse centaine de médias, soit des enveloppes n’excédant pas les 20 000 euros dans le meilleur des cas.

20 000 euros c’est peut-être un détail pour vous, mais, pour nos médias, ça s’appelle de la trésorerie, du salaire, un poste, la possibilité de payer l’imprimeur…

Bons élèves et disciplinés, une bonne partie des médias du tiers secteur auront donc rendu leur dossier en bonne et due forme et surtout, à temps. Avec les ministères, on a l’habitude et l’on est même passé maître dans l’art de tricoter des dossiers la veille pour le lendemain. Time is money !

Pour examiner les centaines de dossiers, le ministère, royal, ne se contente pas de trancher dans son coin mais convie un certain nombre de représentants ou de figures de nos médias pour les éclairer dans leur choix. Une démarche qui ne peut qu’être saluée. Mais, peut-être était-ce un signe prémonitoire, où, déjà à cette étape, la question du timing n’aura pas été sans soulever quelques interrogations.

L’examen des dossiers a eu lien fin juin. Tardif mais classique. Et ce n’est qu’une semaine avant la date de l’examen que les documents nous auront été envoyés. Tendu… mais jouable. En revanche, les premières orientations du ministère sur lesdits dossiers ne nous auront été transmises que quelques heures avant le début de la réunion d’examen. De quoi interroger sur le processus : avec si peu de temps pour examiner les dossiers transmis, le jury ne serait-il qu’une simple chambre d’enregistrement ?

Mais, c’est bien connu, dans les médias pas pareils, on n’a pas grand-chose à faire et, surtout, une capacité d’adaptation qui n’est pas sans rappeler la plasticité de certains contorsionnistes. En tout cas, ça aurait fait plaisir à Darwin !

On ne dira rien des délibérations – confidentialité oblige – mais l’on notera que notre présence n’est pas vaine. Il y a quelques années, on avait pointé le fait que, suite à une erreur de manipulation, le ministère avait zappé la moitié des dossiers. Là, on aura au moins servi à donner la bonne adresse internet pour un média dont le ministère déplorait que son site web était malheureusement inaccessible…

Mais, au-delà de ces anecdotes qui peuvent prêter à sourire, alors que d’ordinaire, les réponses tombent durant l’été, là, il aura fallu attendre la mi-octobre pour avoir les premières informations. Plus de trois mois ! La faute, nous dit-on, aux arbitrages qu’il faut mener en parallèle pour le fonds en faveur des médias d’information en ligne. Une enveloppe autrement plus conséquente que celle accordée au tiers secteur médiatique. Une sorte de déclinaison numérique de l’adage selon lequel il ne faudrait pas mélanger les serviettes et les torchons…

Pire : cet été, le ministère se sera tout de même fendu d’un mail. Non pour rendre compte des arbitrages mais pour rappeler les « règles de confidentialité ». Rue de Valois, on s’émeut du fait que « certaines structures candidates au fonds ont eu connaissance des avis et délibérations rendus par le comité à leur égard ». Ce qui, est-il précisé, contreviendrait au principe de « secret des délibérations ». Et le ministère de rappeler que « le comité n’est appelé à s’exprimer qu’à titre consultatif et facultatif ». Avant de menacer carrément, en cas de nouveaux manquements, de « mettre fin à la réunion de ces comités ».

Non content d’être incapable de rendre ses arbitrages dans des délais raisonnables, voilà que le ministère se permet de traiter ses interlocuteurs comme des enfants à qui il faudrait rappeler les règles. En oubliant, encore une fois, que, dans les incertitudes qui sont les nôtres, la décision de l’attribution d’une subvention, aussi modeste soit-elle, cela peut conditionner une embauche, le paiement d’un salaire, le lancement d’un projet, la concrétisation d’un investissement ou le simple paiement d’une facture. Bref, c’est une question de survie.

Voilà pourquoi le syndicat de la presse et des médias pas pareils, en cours de création, appelle le ministère de la Culture et de la communication à rendre désormais dans des délais raisonnables ses arbitrages pour le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité. Au passage, à établir des critères clairs qui permette à chacun de se positionner.

Et, au-delà, à rouvrir le dossier de l’aide accordée à nos médias, au regard de la disproportion entre les aides attribuées aux médias classiques et à ceux qui vont vivre concrètement le pluralisme, à travers leur investissement sur le terrain ainsi que dans l’éducation aux médias.

S.B. pour le Syndicat de la Presse Pas Pareille (SPPP), en cours de formation, retrouvez bien vite plus d’information sur cette initiativ, et notre plateforme de revendication